Bière à la main et le sourire accroché aux lèvres, Sangjun fait un peu le tour de l'étage du bas. Fête organisée chez l'un de ses amis. Il y a trouvé Hara, sans surprise, mais ses prunelles ont eu beau chercher, aucun signe d'Injoon. Une certaine déception l'a envahi, mais comme toujours, il a décidé de l'ignorer. À plusieurs endroits dans la maison, des jeux rassemblent les jeunes gens en groupuscule. Il a vu la bouteille et lorsqu'on lui a proposé de participer, il a refusé. Le médecin approche trop dangereusement de la trentaine pour s'adonner à ce jeu d'adolescents. Puis sans savoir pourquoi, il n'y a que les lèvres d'Injoon qu'il a envie d'embrasser, en ce moment.

Discuter avec les gens qu'ils trouvent sur son passage, évitant soigneusement son ex. Bien qu'il soit du genre joueur, Jun n'a pas envie de se taper ses états d'âme, ce soir. L'entendre se plaindre ô combien il est désagréable, ça a fini par l'ennuyer. Las qu'elle lui répète sans cesse la même chose, il s'en tient donc loin. Peut-être lorsque, plus tard, l'alcool aura bien imbibé ses pensées, il ira la charrier. Pour l'heure, il s'amuse, flirte et rejoint le groupe de danseur tout en ingérant trop rapidement sa bière, comme d'habitude. Lui qui ne tient pas du tout l'alcool, peu importe la quantité bue dans son existence, il se retrouve rapidement bien ivre.

Assis sur le sol, devant la bouteille, il pince les lèvres, mais s'immerge dans l'atmosphère qui règne. Il distingue la jolie Hara, telle une vipère, en face de lui. Il espère vraiment ne pas tourner cette stupide bouteille et tomber sur elle. "C'est bon, j'ai assez joué." Des plaintes fusent autour de lui alors qu'il se lève. Du moins, il essaie, car on l'en empêche. C'est ton tour. "Et risquer de tomber sur ma folle d'ex? Non merci. Je ne suis plus un adolescent, de toute façon." Du regard, il semble chercher un quelconque soutien de la part de Hara. Sans doute bien en vain.

soirée à laquelle elle n’avait jusque-là pas envie de participer, pour le simple fait de ne pas avoir à le croiser, lui, ancien copain insupportable et qui s’amuse à davantage tourmenter son existence, dès qu’il aperçoit hara fouler le même endroit que lui. mais son besoin de se divertir a renversé le reste de ses sentiments, nécessité de ne pas rester enfermée dans son appartement après les récents évènements avec son petit frère minzhe, peu importe si le serpent se montre ici. et la voilà qui danse sans se soucier du monde alentour, relents d’alcool déjà présents dans son organisme, à boire des gorgées de son verre en plastique rouge sans s’interrompre, tout en se déhanchant joyeusement sur le rythme de la musique électronique. elle a l’impression de revivre ses années lycées, et ça fait un bien fou à son esprit abîmé.

décadence éphémère, hara s’arrête au bar pour remplir à nouveau son gobelet de sangria soigneusement préparée par le maître des lieux. de ses yeux qui scrutent l'entièreté de l’assemblée, elle les pose finalement sur le jeu qui semble amuser certains convives, à les regarder s’échanger des baisers sans arrière-pensées, gamins parfois trop bourrés pour réfléchir convenablement. et un rien de temps, lorsqu’on la voit ne rien faire, les silhouettes vaguement connues l’entraînent par le bras et on l’oblige à s’asseoir, hara trop fatiguée pour manifester son désaccord, à rigoler bêtement devant les défis imposés de ses voisins. jeu inlassablement amusant, jusqu’au cas sangjun. ha ! je le savais, il a pas le cran pour le faire. plaintes qu’elle attise, alors qu’elle observe en souriant ses camarades obliger son ex à revenir avec eux. un abruti reste un abruti. mots acérés dans le seul but de titiller l’énervement du garçon, hara qui se contente subitement de hausser les épaules, indifférente à la tournure qu’ont pris les choses, à dangereusement regarder la bouteille tournée à la place sangjun, pour lui, et s’arrêter en sa direction.

peut-être qu’elle aurait dû se ranger de l’avis de son ancien petit-ami, cette fois-ci. fuck.

Comme attendu, Hara ne lui apporte rien de plus que ses paroles acerbes. Aucune déception de la part du médecin, juste une résignation nouvelle. Ses amis, il le sait, ne le lâcheront pas tant qu'il n'aura pas tourné cette bouteille au moins une fois dans la soirée. Sont-ils complètement cons? Apparemment, Sangjun a des amis à son image... "Tout comme une folle reste une folle." Ça manque peut-être de spontanéité et d'originalité, mais c'est tout ce qu'il a trouvé à dire. Il n'aime pas tellement la tournure que prend les événements et c'est donc un peu impuissant qu'il observe la demoiselle hausser les épaules et étirer le bras pour tourner la bouteille à sa place.

C'est mortifié qu'il observe la bouteille s'arrêter en sa direction. Manque de bol, visiblement. Jun jure dans sa barbe imaginaire et tente à nouveau de prendre la fuite sous les hurlements des gens qui l'entourent. Vont-ils vraiment le pousser à le faire? De toute évidence, oui. Il ne comprend pas l'engouement soudain qui les éprend, mais debout face à son ex, il regrette un peu ses choix de vie. "Sérieux, les gars?" Le pousser vers elle en criant que les règles sont les règles et son expression se déforme en une grimace mécontente. Approchant, il laisse un soupir franchir la barrière de ses lèvres. Rapidement, il dépose un baiser sur la joue de Hara et il se fait huer.

We need a real kiss! Come on, it's not like you never did it together. C'est précisément ça, le problème. Pourquoi les pousser à ce point à s'embrasser alors que toutes les personnes présentes - ou presque - dans cette pièce savent à quel point tous les deux se détestent? Quelle situation catastrophique... "Essaie de pas être trop dégoûtée quand même, je ferai pareil." Après encore de longues secondes, Sangjun approche et plonge sur ses lèvres, tenant son visage en coupe dans ses mains. Il a de drôles de réminiscences de l'époque où ils étaient ensemble et il en a presque des frissons horrifiés. Ses lèvres ont le goût de la sangria, mais il y a quelque chose qui manque dans cet échange pour qu'il puisse pleinement en profiter. Outre le fait qu'il s'agisse de Hara.

Les coups du destin commencent toujours par un hasard. Parce qu’elle tombe quelques jours seulement avant les qualifications, cette soirée, tu n’aurais pas dû y être. Pourtant, t’y arrives avec trois autres gars de l’équipe. Sans surprise, le groupe tchat est actif, c’est un pote qui organise. Les contres indications du coach n’auront pas eu raison de ton besoin de décompresser. Bien qu’à la dernière minute, c’est assez facilement que tu t’es laissé tenter. Dépourvu d’alcool à offrir, c’est à l’étage que tu prends tout de même le temps de saluer votre hôte et ses comparses.

Après un échange animé sur les chances de X à chopper Y et la moitié d’un verre de tequila, tu t’éloignes en un rire. Entre tes mains, des messages font mention de la présence d’un certain médecin. En quête du dit docteur, tu parcours les différentes pièces échangeant au passage diverses banalités avec des individus plus ou moins inhibés. Ton verre se vide et les jambes s’animent un instant au rez-de-chaussée. Petite danse improvisée te mène droit à une scène à laquelle tu aurais préféré ne pas assister.

Un baiser. Acclamé et bien trop vrai, une jolie brune et l’ainé. Injoon, pétrifié dans l’encadrement de cette porte. Rien d’étonnant sous tes yeux, alors pourquoi as-tu l’impression qu’on t’arrache le palpitant ? Ô ça fait mal, peut-être parce qu’il n’y avait plus eu de fille dans la vie de Sangjun depuis un moment. Peut-être que tu t’es fait des idées, peut-être même que t’as eu tort de te dire que t’avais une chance. Quoiqu’il en soit, tu ne peux décemment pas rester là - pas en sachant qu’il peut lire la déception sur ton visage. Le cœur gros, tu descends un verre au hasard avant de faire feu vers la sortie.

les provocations lancées à son égard ne lui esquissent rien d'autre qu'un sourire désobligeant, adressé à son ex copain, hara qui préfère s'attarder sur le jeu auquel ils jouent plutôt que de porter un quelconque intérêt à celui qui elle le sait, ne lui apportera qu'un mal de crâne et un dégoût profond. de ses yeux inquisiteurs, elle regarde la bouteille tourner et s'arrêter dans sa propre direction, à pouffer un 'ha' d'exclamation avant de se cacher derrière son voisin de droite, esprit trop alcoolisé pour tenter de reproduire les gestes de sangjun et essayer désespérément de se défiler face au nouveau défi à réaliser. elle ignore les contestations de son ancien petit-ami, trop préoccupée par la situation actuelle et essaie tant bien que mal d'éviter le regard des autres, mais on ne la laisse pas pour autant partir comme elle l'aurait souhaité. ses bras sont alors vivement attrapés et on la tire, hara impuissante, à se retrouver face au démon. elle rigole nerveusement, et le laisse réduire la proximité entre eux, baiser déposer éphémèrement sur sa joue. railleries s'exclament aussitôt et viennent fendre l'air toxique, hara à subtilement maudire tous ces gens qui les forcent à faire une chose dont elle n'a pas envie et qu'elle redoute au plus haut point. brimades viennent irriter leurs oreilles alors qu'elle répond instantanément aux mots de l'être détesté. je vais me retenir de te vomir dans la bouche. allusion à l'antipathie qui anime la demoiselle quand elle se retrouve avec lui, et elle a l'amère impression qu'une fois de plus, elle subit leur relation alors qu'ils ont rompu depuis longtemps. hara se laisse faire, contact qu'elle ne veut pas initier la première, à fermer les yeux pour se donner du courage, à se dire que ce n'est pas une épreuve si terrible et qu'elle ne durera que quelques secondes. les lèvres du garçon viennent se poser sur les siennes, souvenirs glacés d'une époque lointaine, celle dans laquelle elle ne refusait pas ses baisers. les lippes vermeilles de hara bougent seules, à l'embrasser convenablement malgré l'aversion ressentie, et à se détacher lentement de sangjun. une chose est sûre, il embrasse toujours comme un pied ! mensonge adressé à l'assemblée alors qu'elle éclate de rire (l'ivresse parle à sa place), applaudissements et ricanements fusant des quelques joueurs, satisfaits. et son regard se pose à nouveau sur l'ancien petit copain.

Il avait rigolé à la remarque de son ex, mais n'avait rien rajouté. Qu'est-ce que ça aurait changé, de toute façon? Il s'était attendu à ce qu'elle lui jette une réplique acerbe à la gueule, parce que de ce côté, elle ne change pas. Parfaitement prévisible. Une fois ses lèvres sur les siennes, un sentiment d'inconfort l'envahit. Cette situation a tout pour lui déplaire, mais ses amis sont comme ça : de sales connards, à l'image du médecin. Lors de l'échange de salive, Sangjun ne peut s'empêcher de constater une chose. C'est qu'il ne ressent rien. Pas seulement parce qu'il s'agit de Hara et qu'il la déteste au moins autant qu'elle le déteste, mais parce que... ce n'est pas Injoon. Ça le frappe de plein fouet. Et son coeur, lui, il se comprime douloureusement. Même si le tout s'est fait sous la contrainte et qu'aucun d'eux deux n'en avait envie, il aurait dû se débattre avec plus de vigueur.

Ce n'est pas sans raison si aucune jolie demoiselle n'a habité son lit ces derniers temps. C'est qu'il n'en ressent nullement le besoin. Où plutôt, c'est que son coeur bat pour quelqu'un. Rire désabusé le secoue lorsqu'enfin son calvaire prend fin et que la demoiselle en profite pour lui lancer une insulte à la gueule. "J'peux en dire autant sur toi." Les regards qui se croisent avant qu'un mouvement n'attire son attention. Une silhouette qui s'éloigne et qu'il connait trop bien. Injoon. Eh merde. À quel point Jun est-il expert pour tout foirer? Dents serrés et lèvres pincées, un juron siffle de sa bouche. "J'vous déteste, les gars." L'absence de sourire et la crispation de sa mâchoire empêche aux concernés de rajouter quoi que ce soit de plus.

Un dernier coup d'oeil à Hara. "Oublie pas le rince-bouche, surtout." Puis la contourner et briser le cercle qui s'était massé autour d'eux pour tenter de rejoindre son meilleur ami. Le coeur battant à tout rompre et la colère facilement titillée lorsque les gens ne s'écartent pas facilement de son chemin. Le font-ils exprès? Quelques hurlements frustrés plus tard, il finit par sortir de la grande maison, son regard cherchant frénétiquement le jeune homme. "Injoon!" Lorsqu'il l'aperçoit. "Injoon, for fucks sake." Le rejoindre au pas de course et refermer sa main sur son poignet pour l'empêcher de partir plus loin. "Que fais-tu ici à trois jours des qualifications?" Il aurait simplement pu s'excuser, mais qu'est-ce que ça aurait changé? Rien, probablement. Il arrive à lire toutes sortes de choses sur le visage du plus jeune et ça ne lui plaît pas. La seule interrogation qui tourne en boucle dans sa tête est : "pourquoi suis-je si con?"

Un sourire défaitiste s’est perdu dans l’espace tandis que tu tournes le dos à ce triste spectacle. La liqueur ronge les frêles murs de ton château de sable et c’est un pan tout entier qui s’écroule dans l’eau salée. C’est pour éviter qu’il ne t’entraine dans sa chute que tu t’échappes de la fête. Slalomant entre les corps, tu n’entends pas cet ami demander : « Eh Joonie, où est-ce que tu vas ? » Les pas sont lourds, mais parviennent tout de même à te tirer de là. Dehors, tu t’accordes un souffle ; pénible et douloureux. Caché derrière ta capuche et les mains dans les poches, tu marches pour rejoindre l’arrêt de bus.

Lèvres pincées, amertume dans tes pensées : ( putain, ce que j’peux être bête ). Ouais, t’aurais dû te douter que tout ça ne signifiait rien aux yeux de l’aîné ; comme d’habitude il ne faisait que s’amuser. Dans ta poche, le téléphone n’a de cesse de vibrer, sans doute conte-t-il les exploits de la soirée. Sonné, tu ne prends conscience de sa présence que lorsque ta fuite est stoppée. Alors les rétines se posent sur cette main qui enserre ton poignet et la langue se délie pour répéter : « Qu’est-ce que je fais... » blessé jusque dans ton expiration, le visage se lève et tu réponds : « La même chose que toi, je suis venu m'amuser. »

Devant tes pupilles se rejoue la scène et ça t’écœure de le revoir embrasser cette fille. Les frissons qui parcourent ton épiderme à son toucher sont insupportable, il faut que tu t'en débarasse au plus vite. Le regard glisse sur ses doigts que tu détaches et par un sourire déformé tu annonces : « Tu devrais y retourner, j’suis fatigué, je vais rentrer. » le mensonge te fait déglutir tandis que des perles invisibles brouille ta vision. Aussitôt, ton regard fuyant retrouve le sol et c’est tout ton corps qui se tourne, prêt à partir.  

C'est la première fois que ça lui arrive. De perdre le contrôle sur la situation. De ne pas avoir un coup d'avance. Enfin, ça lui est souvent arrivé lorsque Injoon était dans les parages, mais jamais avec cette force. Jamais il n'avait senti cet organe vital se tordre de la sorte en comprenant à moitié ce que tout ça voulait dire. Mais comme d'habitude, pour se protéger, Sangjun nie les faits et les refoule en son for intérieur. Sauf qu'il arrive à la limite de ce qu'il peut nier. Car il se rend compte de trop de choses et ça l'effraie. No strings attached. Ever. C'est ce qu'il s'est promis depuis l'emprisonnement de son père pour meurtre... Toutefois, il ne peut pas contrôler son palpitant.

C'est peut-être pour ça qu'il rattrape son ami. Il a le sentiment d'avoir foiré. Ce dont il ne se rendait pas compte, avant ce soir. Les pièces du puzzle sont là, en face de lui, prêtes à lui sauter au visage, mais il n'arrive pas à se résoudre à les assembler. Pas encore. Il a peur du résultat. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'en faisant ça, il provoquera un autre résultat bien pire. Ses doigts le brûlent presque lorsqu'ils se referment autour du poignet d'Injoon. La réponse qui lui est servie lui apparaît tellement logique... Pourtant, il aurait voulu qu'il ne soit pas là. Pour voir cette scène, mais aussi, parce qu'il approche de qualifications réellement importantes. Il aurait dû rester chez lui se reposer...

Le cadet est si calme... Trop calme. Il redoute le pire. Il préfèrerait largement qu'il lui hurle dessus, plutôt que d'arborer cette expression déchirante. Les doigts défont son emprise et il ne résiste pas. Il devrait vraiment s'excuser... Mais pour quoi, au juste? Non, il le sait, au fond de lui. Il ne veut juste pas l'admettre. Foutu égo mal placé. "Attends." Se mordre les lèvres avant de sortir sa prochaine connerie. "Alors tu vas juste partir comme ça? Juste pour ça?" Il regrette ses mots dès la première syllabe. Surtout vu son ton accusateur à souhait. Dans quel merdier s'est-il foutu...

De nouveau stoppé dans ton élan, tu ne te retournes pas tout de suite, laisses le temps à l’aîné de s’exprimer. À la première question, tu aurais simplement fait mention de ta précédente excuse ; or les mots s’enchaînent au lieu de s’interrompre. Alors il sait, il sait ce que tu as vu. Peut-être qu'une certaine irritation altère ton jugement et sur le coup, tu ne comprends pas bien ce que ça peut lui faire que tu t’en ailles. Volte-face, le ton est sarcastique et pourtant si calme : « Juste pour ça ? De quoi tu parles ? » Est-il sourd ? Ne viens-tu pas de lui dire être fatigué ? À moins que...

Les pensées se matérialisent plus vite que tu ne le voudrais : « Aaah ! Tu veux dire, toi et cette fille ? » un sourire en coin, diable ça fait mal de jouer la comédie. Tu perds le contrôle d’un rire et des paroles qui suivent : « Nan nan, c’pas pour ça. C’est tellement toi que ça ne me surprend même pas. » et c’est toute la frustration accumulée ces derniers mois qui se déversent d’un coup : « T’es comme ça pas vrai ? Tu t’éclates à embrasser n’importe quelle meuf sans conséquence. » une pause « -pff qu’est-ce que je dis, des meufs, puis peut-être des mecs aussi. » La voix se brise tandis que tu dévisages l’ainé : « Mais c’est rien qu’un jeu, pas vrai ? Ça ne veut rien dire pour toi. »

Tes yeux brûlent d’autant le fixer, à moins que ce ne soit la faute de l’eau salée qui menace d’en tomber. Les bras en l’air, tu t’exclames : « Évidemment ! Sangjun s’en branle pas mal des autres. Ça te passe au-dessus tout ça... » Un silence alors que tu prends du recul, hochements de tête machinal, tu acceptes la situation. Le cœur percé fait vibrer tes cordes vocales : « Tu veux savoir pourquoi je m’en vais ? » Ô tu ne lui laisses pas le loisir de répondre, ô non, tu as encore bien trop de choses à dire : « Parce que je viens de me rendre compte d’à quel point j’ai été con de croire qu’il se passe un truc entre nous. »

Des larmes tâchent le gris de ton sweat et tu les essuis du revers de la manche. « P’tain, j’fais trop pitié. » Les sanglots t’étranglent et ne montrent aucun signe d’accalmie, tu jures : « Fait chier ! » Tu ne t’imaginais pas lui avouer comme ça, encore moins pleurer, mais il ne te laisse pas le choix. Conscient que cette révélation changera la nature de votre relation, tu balances avec amertume : « Et le pire j’crois, c’est que j’ai des sentiments pour toi. » Tu ne crois pas, t'en es sûr. Les pupilles se posent courageusement sur lui, cherchent un signe qui te ferait regretter de l’avoir dit.   

Les mots glissent de sa bouche comme si aucun filtre n'était là pour les arrêter. Et Sangjun les regrette instantanément. Sauf qu'il ne peut pas revenir en arrière, tout effacer et recommencer. Être moins accusateur. Moins acerbe. Accepter qu'il se passe quelque chose entre eux. Ou peut-être que de ne pas assumer cette bisexualité qui est la sienne en fait également partie? Probablement. Assurément, même. Processus difficile pour celui qui s'est toujours cru attiré uniquement par la gente féminine. Sauf qu'avec Injoon, il a découvert que ce n'était pas le cas et il n'a pas su digérer l'information depuis. Aujourd'hui encore, il lui est difficile de l'admettre. Et voilà où ça le mène...

Dès l'instant où son ami ouvre la bouche, il sait que ça va mal se passer. Non pas seulement d'un côté. Jun sait comment il est, ses barrières vont s'élever aussi haut que le ciel et il dira probablement des choses qu'il ne pense pas. C'est même certain. C'est exactement ce qui arrive lorsque le plus jeune met en lumière ses mauvaises habitudes. Ça lui serre le coeur et ça érige ses cloisons de métal. Parce qu'il a raison. Pour Sangjun, ça n'est qu'un jeu. Du moins, ça l'a toujours été jusqu'ici. Jusqu'à Injoon. Le silence le foudroie et il se contente d'écouter les paroles de son vis-à-vis avec l'expression fermée.

Ce qu'Injoon ne sait pas, c'est que son aîné n'a pas eu d'autres choix que de ne pas se préoccuper des autres pour pouvoir avancer. Il y a d'abord eu l'emprisonnement de son père, puis l'alcoolisme de sa mère et l'abandon de sa plus grande passion, la natation. Parce qu'il s'est trop soucié d'une demoiselle en détresse et qu'il a voulu lui venir en aide. Sa récompense pour son acte d'héroïsme a été de se faire tabasser. Alors oui, ça n'a jamais rien signifié pour lui. Il a peur de donner son coeur. C'est plus facile de donner son corps. Ça n'implique rien et ça ne complique rien, surtout.

Les larmes sur le visage du cadet, elles lui font mal. Pourtant, il ne laisse rien paraître. Il se contente de le regarder bêtement se vider le coeur. Il espère que ça le soulage. Sincèrement. Jun aurait pu changer complètement la tournure des événements si seulement Injoon n'avait pas avoué ses sentiments. "Et alors quoi?" Le ton est peut-être un peu plus dur que ce qu'il l'avait pensé. "Tu l'as dis toi-même : ça ne veut rien dire pour moi, alors pourquoi t'as cru que te confesser allait changer quoi que ce soit?" L'égo mal placé qui revient, mais c'est surtout l'animal blessé qui parle. Il ne s'en était pas rendu compte, parce qu'il ne s'était laissé aucune chance de pouvoir le faire.

Il se déteste énormément, en ce moment. Pour dire ces choses par pure provocation. Parce qu'il n'arrive pas à se contrôler. Parce qu'Injoon l'accule contre le mur et qu'il n'aime pas ça. Il voudrait tout effacer et faire les choses autrement. Pour ne jamais avoir à voir les larmes sur ce si doux visage. Toutefois, ce qui est fait est fait et il n'y peut plus rien. "T'attends quoi, de moi? Que je retourne tes "sentiments"? Alors que tu ne fais que penser en avoir pour moi? Te fais pas ce mal, Injoon." Très honnêtement, il espère presque que son ami s'avance et le frappe pour lui remettre les idées en place. Ça règlerait bien des problèmes.

L’impassibilité sur son visage te fait presque flipper, te serais-tu trompé ? N’a-t-il jamais rien ressenti pour toi, l’as-tu simplement imaginé ? Et les larmes n’en finissent plus de couler d’un mélange étriqué de douleur, de colère et d’anxiété. Ça n’a jamais été aussi pénible d’aimer. La manche humide de larme claque le long de ton corps en signe de défaite, qu’importe l’issue, les dés sont jetés. Et ils te reviennent en pleine face sous une forme bien acerbe. Tels de l’huile sur le feu, les mots de l’aîné ravivent le brasier : « J’ai rien cru du tout ! » tu le coupes dans sa phrase.

Il termine et ton doigt s’abat avec violence sur son torse : « Fais gaffe à ce que tu dis, j’te signale quand même que c’est toi qu’es à l’origine de ce merdier ! » tu t’emportes, c’est qu’à l’entendre tu es le seul responsable de cette situation. Sur le même ton, tu réponds : « Si tu tenais tant que ça à ce que rien ne change, pourquoi est-ce que tu n’as pas simplement arrêté tes conneries la première fois où je t’ai repoussé ?! » Tu lui en veux de te laisser croire que tout est ta faute. Le poing se referme sur son t-shirt alors que tu le tire vers toi et ses rétines tu questionnes : « J’te demandes pourquoi, Jun ! »

Tu le relâches tout aussi brutalement pour le garder à distance. Ce que tu veux ce sont des réponses plus qu’autre chose, de la sincérité de la part de l’aîné. Assommé par ce qu’il ose formuler, tu réagis sans réfléchir. /SLAP/ C’est le plat de ta main qui trouve sa joue en premier. Expirer, la lèvre inférieure mordue avec intensité. Le regard en l’air dans l’espoir de chasser de nouvelles larmes. Le verdict tombe : « T’es vraiment qu’un sale con. » peut-être dans un dernier espoir de lui faire entendre raison ou alors par frustration, tu balances : « Mais assumes au moins ce que tu ressens, putain. Ça t’éclate de jouer avec moi comme ça ?! »

Les mots claquent sur ton palais et t’as peur de regretter ceux qui vont suivre, pourtant il te faut les prononcer. Profondément blessé par son attitude, tu ne peux cacher ta déception : « T’sais quoi, si c’est vraiment ce que tu penses... Alors j’crois qu’on s’est tout dit. » Sans un mot de plus, tu lui tournes le dos et trace ta route. Le cœur en miette, de ton meilleur ami, tu attendais plus d'honnêteté. Les mains dans les poches, un sanglot te surprend. Des années d’amitié s’envolent, et tout ça à cause d’un stupide baiser.