cauchemar s'éveille. ascenseur témoin de ses maux soudains, revenus la hanter. révélation du patronyme abominable, souvenirs douloureux d'un temps qu'elle espérait jusque-là, anéanti. le passé qui ne cesse de vouloir la tourmenter depuis plusieurs semaines, yerin succube à l'éternelle rancœur (rencontre forcée), et désormais shiloh : instigateur des violences inouïes dont elle a été la première victime. prénom résonnant encore dans ses tympans, béquilles oubliées sur le lieu qu'elle vient de quitter à toute vitesse, laissant son ancien bourreau et les mécaniciens, seuls. le froid l'embaume instantanément dès qu'elle sort du bâtiment, sanglots que la douce innocente n'arrive plus à retenir, areum libérée de toute oppression et pourtant en quête d'un refuge, peur que son tortionnaire d'autrefois ne la suive. elle tombe sur le sol mouillé à force de presser sa course, jambe abîmée ne lui procurant que du malheur en plus, nouvelle épreuve à affronter dans sa journée déjà calomniée : partir loin d'ici sans faire plus de dégâts.

— la crainte est nourrie.
mais la bravoure s'entête.

paumes vaillantes s'appuient vivement sur le bitume qui lui a écorché la peau des mains, tandis qu'aurem se relève avec la seule assurance qu'il lui reste, fragments d'appréhension renaissants peu à peu, alors qu'elle envoie son message de détresse à la seule personne qui lui vient à l'esprit : levi. elle tremble, areum redevenue gamine apeurée, espoir proéminent quand l'être de ses pensées répond positivement, un soupir qui s'échappe de ses lèvres gercées lorsqu'il lui annonce, qu'il vient la chercher.

les minutes passent dans une déferlante nonchalance, voûte céleste qu'elle s'autorise à regarder un instant, lune comme seule amie, éternelle, brillante, témoin de sa désolation passagère. lumière éphémère et pourtant rassurante, areum vogue difficilement au gré de la fraîcheur tardive, éloignée du garçon qui l'a tant brutalisée, sentiment doux et amer s'initiant au creux de son palpitant : l'envie que levi se dévoile, l'anxiété que shiloh revienne à la charge, lui et les souvenirs de ses intimidations d'antan. sa jambe l'empêche de courir, accident-fardeau dont elle ne peut se défaire, alors qu'elle s’assoit stratégiquement sur un banc devant le centre commercial du quartier. le brouhaha s'étend aussitôt autour d'elle, la foule ricane, parle, et areum a l'impression qu'on la fixe, qu'on se moque d'elle. sentiment d'être seule au monde, désemparée. tableau sombre qui semble s'éterniser.

néant règne dans un silence abominable. jeune fille est là, regard vide posé sur le bitume. tout incite areum à baisser les bras, palette obscure comme éternelle, vision brouillée par les larmes qui coulent le long de ses joues.

(1) appel manqué.

téléphone mit sous silence, concentration sur cette page blanche. souris clignotante qui le nargue depuis des semaines, depuis des mois. sous les menaces ignorés de son agent, il claque de nouveau ce portable qui ne sert à rien. la page blanche reste présente tandis qu'il jette e n f i n un regard vers son téléphone. une notification allume l'écran avant que sa main ne se pose sur l'objet, curiosité qui remonte à voir l'expéditeur. la voisine, l'amie d'enfance, la seule et l'unique qui parvient à ne pas l'ennuyer, areum. curieux, il l'est. messages échangés rapidement, inquiétude qui remonte suite à la conversation. ça a à peine demandé de passer la chercher qu'il est debout, laissant son portable à l'abandon. la page blanche continuera de rester telle qu'elle est, déserté comme à son habitude. les clés attrapées, esprit allant de tout côté sans que levi prenne quelques secondes pour réfléchir aux raisons de son empressement.

l'inconscience prend le dessus, aveuglé de l'attachement qu'il a à l'encontre de la blonde, à faire fi de ces signes qui sont là, partout où il va. cette plante qui tient encore debout, grâce à cette voisine intentionnée, ces déchets qui sont bien triés, cette boîte de recettes qu'il tient proche, reminiscence de cette première (seconde) rencontre chaotique. la porte est claquée derrière lui, question posée sur sa localisation avant qu'il ne soit en chemin. les questions sont nombreuses, mais laissé de côté pour se concentrer sur la route.

destination retrouvée facilement, et malgré la nuit entamée, rares sont les stationnements libres. soupir échappé lorsqu'il entrevoit une place libre. voiture laissée derrière pour mieux retrouver la blonde qui l'attend, prunelles rivés sur la foule qui se déplace, quitte à se faufiler à travers alors qu'il déteste le contact humain. de ceux qu'il ne connaît pas, de la plupart de ceux qu'il croise régulièrement. sous la lumière de la lune, sous les étoiles qui semblent si terne, cette nuit-là, il la retrouve enfin. affalée sur un banc, la tête baissée, l'écrivain n'a besoin de mots pour saisir sa peine, même dans l'ignorance de la raison. encore quelques pas et il se retrouve devant elle, areum..? prénom soufflé d'une douceur presque surprenable venant de sa part, si la blonde ne serait pas la destinée de ses paroles. à s'accroupir sans demander la question évidente, ridicule, même, à patienter plutôt qu'elle se fasse entendre.

la fraîcheur la fouette en plein visage et lui fait un bien fou, elle qui jusqu'à maintenant, ne s'est pas autorisée à respirer convenablement, n'ayant pas remarqué qu'elle a retenu son souffle pour traîner ses pieds jusqu'ici. ses boucles blondes dansent momentanément dans les airs, ode à la gaieté. et pourtant, la vision des atrocités commises la submerge aussitôt qu'elle s’assoit sur le banc gelé, à lancer des regards paniqués aux alentours, à se tourner sans cesse dans tous les sens, la crainte envahissant peu à peu ses pensées. areum effrayée à l'idée que le fautif ne l'aie suivie à la trace, et qu'elle se retrouve à nouveau face à lui, en position difficile. ou pire encore, face à elle, yerin, areum à la confiance envolée dès qu'elle ose croiser leur regard. épisodes désastreux de sa vie passée dont elle n'arrive jamais à se détacher complètement, areum qui paraît éternellement condamnée à suivre les méandres de sa jeunesse écarlate, gorgée d'animosité à son égard, bourreaux dont elle sent encore et toujours la violence. elle a subitement mal à tout son corps, anciennes ecchymoses semblant refaire vivement surface alors qu'elle essaye de se retenir de trembler, fermant subitement les yeux pour faire taire les voix et le tableau qui s'assombrit : l'impression qu'on la fixe continuellement, que le monde alentour est au courant de son incapacité à se défendre, et qu'ils blasphèment tous l'ingénue. areum redevenue la gamine de quinze ans triste et craintive, se murant à tous les maux confrontés.

et elle prie, espère qu'il arrivera le plus rapidement possible, qu'il s'empressera de la rejoindre et la sauver, au moins cette fois, de l'adversité dans laquelle elle se trouve. portable qui a rendu l'âme posé sur la place à côté d'elle, à garder la tête baissée par peur de l'inconnu et de l'agitation qui anime la place autour d'elle. palpitant à cogner de soulagement contre sa poitrine, lorsqu'elle entend la voix de levi doucement murmurer son prénom. areum cache instantanément ses paumes abîmées derrière son manteau trop grand pour elle, à ravaler ses sanglots pour ne pas avoir l'avoir plus pathétique qu'elle ne l'est déjà. ses pensées noircies d'avoir recroisé le tortionnaire de ses souvenirs, shiloh qui doit bien rire là où il est, à se moquer avec le reste de ses camarades au cœur de glace, à ressasser le passé, souhait mutin et impossible qu'ils aient tous oublié sa personne. il était là... j'ai paniqué et je ne savais pas qui appeler... areum relève finalement ses yeux rougis à force de pleurer, silhouette rassurante du garçon qui attend face à elle. excuse-moi. abri que la demoiselle en détresse atteint éphémèrement, à se baisser pour l'entourer de ses bras, proximité connue de leur enfance qu'elle a eu besoin de retrouver.