il y a quelque chose qui le dérange sans pour autant qu'il puisse mettre le doigt dessus. une impression dont il ne parvient pas à se détacher. il n'a pas vraiment été surpris du message de yuli en lui-même mais plutôt de la façon dont elle l'a écrit. une façon qui ne lui ressemble pas vraiment. qui lui semble étrange. gamin sensible, il s'est tout de suite inquiété, cherchant instantanément à l'interroger. sans pour autant avoir de réponses. yuli a toujours été un puzzle à ses yeux. un problème sans solution. une énigme qu'il a décidé de résoudre en l'observant, en se rapprochant suffisament pour la comprendre. mais à chaque fois qu'il pense arriver à la cerner, elle trouve une nouvelle façon de le déconcerter. il est tellement happé par ses pensées qu'il ne voit pas la route passer jusqu'à l'appartement de yuli. même s'il n'y a pas été beaucoup de fois, ses pas le mènent sans hésitation jusqu'à sa résidence. il ne met pas longtemps avant de trouver la porte. il met quelques minutes à frapper à la porte, étrangement anxieux. il ne sait pas vraiment à quoi s'attendre. une chose est sûre, quelque chose ne va pas. quelque chose n'est pas normal. reste à savoir quoi. il retient son souffle sans s'en rendre vraiment compte. « tout va bien yuli ? » c'est plus fort que lui, il ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour son entourage, craignant que quelque chose arrive. une crainte constante pour sa fratrie qui trouve toujours le moyen de se mettre dans ses situations impossibles. une appréhension pour ses amis depuis qu'il a vu le visage tuméfié de sunhi. depuis qu'il a pris conscience que beaucoup de choses pouvaient arriver.

Un bleu nuit dévorant le dégradé chaleureux d’un soleil en déclin, l’anxiété qui naît et grouille dans l’air d’un domicile qu’on connaissait pour paisible – le tableau justement peint du déséquilibre d’une âme en peine, celle qui tangue dans son appartement, le pas peu serein, les pernicieuses pensées en parfum. Et on assiste à la lente chute de celle qui fondait ses certitudes dans la condition même qu’elle était seule amante de son destin – quand elle se compose de vide amer, un rien lourd de conséquences, celui qui se pose aisément et s’arrache à la seule douleur d’une fatalité hurlante parce qu’on a ancré de ses propres griffes l’inévitable fin de l’enfant peu certain de son sort craint. Pourtant elle s’en sort, pour l’envie affamée de vie qui coule d’or dans ses veines. Seulement ce soir, la flamme étouffe sous la pluie diluvienne de ses songes grondants et la grâce évanouie de la céleste en perte d’espoir s’allonge dans les draps de son lit pour la vaine tentative d’y retrouver les chaudes lueurs d’un astre qui l’a abandonnée trop tôt à ce qu’elle sait. Vient alors la rupture de celle qui ne contrôle plus rien ; message égaré presque aussitôt regretté, trop intense pour ce qu'elle présente au quotidien – la fuyarde à la tombée de la nuit devenue chasseur de ce qu'elle, faussement ignorante, cherchait de plus sincère. Et soudain, le résonnement du poing contre sa porte l'éveille dans un épais voile de ce qu'elle se refuse de comprendre et, perdue dans ce pour quoi elle ne prétend plus, elle s'avance vers une erreur vilaine, funeste conséquence d'un myocarde entaché aux couleurs de la solitude. S'ouvre alors la grande de bois qui dévoile la gamine-soleil sous un jour de perte de lueur éthérée ; le nacre fatigué de sa peau faussé par les teintes artificielles des lumières de son appartement, elle paraîtrait presque lucide de ce qu'elle incarne lorsqu'elle enlace son ami subitement – geste qui hurle le naturel mais qui susurre l'ivresse singulière de sa sincérité  « Merci d'être venu Nam! » Le ton enjoué vibre aux consonances de ce qu'elle peine à dissimuler sous son sourire quand elle entraîne son ami à l'intérieur. « Je vais merveilleusement bien, et toi? » Mascarade de celle qui glisse jusqu'au canapé, tirant son invité par la main – la subtile impression d'empressement pour ne lui laisser le choix, l'égoïsme dansant sur le bord de ses lippes étirées en un mesquin croissant. « Désolée de t'avoir fait venir aussi tard, je me demandais si tu pouvais m'aider pour un devoir? Je sais que t'es plutôt bon là-dedans et ça va faire un petit moment que je galère dessus... » et elle rit, de ces rires languides qui envoutent et pleurent l'abandon de raison, seulement pesant se fait son regard dans les orbes de sa victime, quand muette, elle lui supplie de lui pardonner ce à quoi elle s'apprête à jouer, quand elle-même doute de ce qu'il va être donné. Mais l'illusionniste file le plus doux de ses tissages, jeune femme faite de miel et de nonchalance charmante hypnotise l'invité surprise – pourvu qu'elle ne se sente plus seule le temps d'un instant servie aux méandres de ses sentiments.

tout semble normal à première vue. parfaitement habituel. il suffit juste de gratter un peu la surface pour remarquer des détails insignifiants. l'expression sur le visage de la jeune femme. l'ambiance qui se détache de la situation. son coeur qui se serre un peu plus lorsqu'elle vient l'enlacer. pour les autres, rien n'aurait paru bizarre. seulement nam kyu n'est pas comme les autres. il se fige lorsque ses bras viennent l'étreindre, comme dans une volonté absolue d'étouffer quelque chose à l'intérieur d'elle. comme un désir de faire taire le brasier qui ronge son myocarde. il ne peut que comprendre cette urgence. cette prière de briser la cage qui semble se resserrer autour de sa cage thoracique. d'échapper à la réalité insupportable. de tout faire pour apaiser les maux silencieux. le gamin n'a pas les mêmes problèmes que yuli. pas les mêmes différences. enfant qui n'entre pas dans la normale. qui n'entre pas dans les normes de la société. il devine à demi-mots que yuli ne va pas bien. qu'elle tente peut-être d'agir autrement pour effacer l'image persistante que son reflet lui renvoie. et là encore le gamin sait. il a déjà essayé de réprimer ce qui fait de lui ce qu'il est. de se conformer au monde dans lequel il est né. seulement il a échoué et cela n'a fait que renforcer la bulle qui l'entoure constamment. cocon réconfortant qui atténue le chahut de la vie. des émotions qu'il ne parvient pas toujours à cerner. c'est drôle qu'il arrive à éprouver de la compréhension et de la compassion pour yuli alors que tant de barrières se dressent entre eux.

immobile, il tente maladroitement de l'entourer de ses bras dans une tentative instinctive de la réconforter. la belle ne lui en laisse pas le temps, laissant entendre sa voix enjouée. trop vibrante pour être sincère. « merci d'être venu nam ! » il fronce un peu les sourcils. ce n'est pas un simple remerciement qu'il entend. c'est une comédie qui sonne faux. une version éphémère, alternative de ce qu'elle pourrait être. d'une réalité autre sûrement plus facile à accepter pour elle comme pour les autres. ça lui crève le coeur au gamin. parce qu'il se voit en elle. « je vais merveilleusement bien, et toi ? » il hésite, ses lippes s'ouvrent et se referment alors que les mots se bousculent dans sa tête. il est confus. il ne sait pas si ses mots vont avoir l'effet qu'il recherche. il a encore du mal à bien comprendre comment communiquer avec les autres. comme si un miroir opaque le séparait du monde, filtrant ses mots et ses actes et les faisant apparaître différemment. « c'est faux. » simple murmure quasiment inaudible. réflexion à peine susurrée du bout des lèvres. il n'ose pas la mettre en colère yuli. combien même leur relation peut paraître étrange, il a fini par s'y attacher. la jeune femme ne fait pas attention à lui, continue son étrange mascarade. elle l'attire vers lui, comme pour mettre plus de conviction dans ce rôle qu'elle se donne. « désolée de t'avoir fait venir aussi tard, je me demandais si tu pouvais m'aider pour un devoir ? je sais que t'es plutôt bon là-dedans et ça va faire un petit moment que je galère dessus... » nam kyu se laisse tomber près de yuli. la tension monte imperceptiblement dans ses veines.

ses mains s'agitent, comme pour évacuer l'anxiété qui naît en lui. il hoche la tête avant même de parler. d'essayer de parler. « tu sais bien que je ne dirais jamais non pour t'aider. » ses mots restent en suspens dans la pièce. tirade à double sens censée le pousser à continuer, à mettre yuli suffisamment en confiance pour qu'elle lui explique les raisons de son comportement même s'il a déjà en partie deviner. ses iris sombres peinent à entrer en contact avec ceux de la jeune femme. ils lui crient de le pardonner, ils la supplient de ne pas se fâcher. il veut l'aider. c'est plus fort que lui. « yuli... qu'est ce qui se passe ? je vois bien que tu n'es pas comme d'habitude. » sa voix se brise vers la fin. il ne confronte jamais les autres nam kyu. ou alors très rarement quand il s'agit de personnes très proches de lui à l'instar de sa famille ou d'ingrid. et encore. « tu sais ce n'est pas moi qui vais te juger. je veux dire regarde moi. » il lui adresse un pauvre sourire mais il n'efface pas la tristesse qui voile ses prunelles. il n'a jamais compris ce qu'il y avait de mal chez lui. ce qui faisait naître les murmures sur son passage. les rumeurs et les moqueries. garçon solitaire, presque sauvage. surdoué aux émotions déformées. gamin à la fratrie étrange. les surnoms sont nombreux au même titre que les flèches que tous ces gens persistent à tirer sur lui. il n'a pas le coeur imperméable le gamin. loin de là.