les minutes ont passées, les unes après les autres et au fil du temps, ça s'est transformé en heures, jours, semaines puis mois. ça a dérapé avant même qu'il ne puisse prendre le contrôle et réduire le dommage causé par son départ précipité. désormais, minzhe était indécis quant à ce qu'il devait faire. plus le temps avançait, plus sa nervosité montait et plus il repoussait ce moment. il n'y avait que dieu qui savait le nombre de fois qu'il s'était retrouvé devant l'appartement d'hara, parce qu'il a perdu le compte lui-même. mais il est lâche, minzhe. gamin incapable de se convaincre de cogner, maintes et maintes fois, tout en sachant qu'elle doit être absolument furieuse contre lui. lui aussi, l'est. contre lui, contre elle. à ne pas avoir oublié la dispute qu'ils ont eu avant qu'il ne quitte pour shanghai quelques jours plus tard, sous un coup de tête. l'envie de fuir la corée, séoul, seunghwa et ce qu'il lui avait fait. l'envie de fuir sa mère contrôlante, hara qui avait eu raison, hara qui était trop protectrice. l'envie de fuir sa vie, de fuir le malheur, de fuir pour se protéger. à y laisser derrière les problèmes, rien que pour un moment. à y laisser derrière ses meilleurs amis, les seuls à qui il n'en voulait pas, les seuls à le comprendre, d'une certaine manière. minzhe est fait de secrets, il y a des choses dont il est le seul à savoir, d'autres qu'il partage avec les autres. peu importe ce qui est partagé – ou pas – il n'a jamais eu besoin de s'inquiéter, ils ont toujours su le comprendre malgré tout. pas que sa soeur ne le comprenait pas, simplement… ils étaient différents, il se devait de garder certaines choses pour lui. alors, il avait fuit, jour après jour, l'idée d'aller la voir et de s'excuser avait été repoussé. jusqu'à ce jour. mi-décembre, entre tous les changements qui se sont passés dans sa vie et les maintes, maintes, fois qu'il n'a pas réussi à mettre le pas devant son appartement pour cogner, il s'y retrouver. et de son coeur qui cogne si fort qu'il parvient à compter le nombre de battements par minute, il relève la main pour sonner. il ne peut plus fuir, à présent. il n'y a que la culpabilité qui s'immisce entre lui et la porte et il sait que sa soeur doit être aussi furieuse que blessée. il ne peut rien y changer, c'est trop tard.

... continuez de faire comme si tout allait bien et allez tous les deux vous faire voir. le téléphone balancé contre le mur, joues rougies par la colère alors qu'elle tente désespérément de calmer ses nerfs, mains tremblantes agrippant fébrilement le comptoir de sa cuisine, la tête baissée. elle en veut au monde entier, hara. son père qu'elle a harcelé des semaines durant et qu'elle ne souhaite désormais plus voir malgré les supplications. mère de minzhe qu'elle maudit tous les jours, marâtre-sorcière aux sorts indélébiles, qui lui rappelle constamment à quel point la situation de sa belle-fille est désespérée : impuissance d'une gamine qui n'a, jusque-là, voulu qu'une seule chose, son benjamin. frère que l'espace et le temps lui ont pris et dont elle ne connaît toujours pas, les véritables raisons du départ, qu'il a sciemment provoqué. petit prince à la myocarde qu'elle sait affecté, absence inopinée de sa propre vie, trahison au goût amer et violent, hara aux pensées tristement mélancoliques et presque naïves, se remémorant qu'ils s'étaient promis l'un à l'autre qu'ils resteraient toujours ensemble. foutaises, qu'elle pense à présent. minzhe envolé du jour au lendemain, hara laissée à ses questionnements, à l'impression qu'il n'a plus eu besoin d'elle dans son quotidien puisqu'il a lui-même décidé, de la quitter. hara, sœur oubliée aux attentes pourtant constantes, à qui on a arraché une partie de son âme, une vague de son existence. hara au goût de néant, hara au regard vide, hara peignée en sorcière de glace (qu'elle est devenue), à vivre sans la lumière de l'être qu'elle aime le plus au monde, pour réconforter son cœur en miettes. éloignement qu'elle subit depuis des mois désormais, attente interminable, rêves doucement figés dans son esprit : que minzhe revienne à elle.

sonnerie de la porte l'exaspérant déjà, hara avançant à reculons, sanglots ravalés par fierté alors qu'elle passe ses mains dans ses cheveux, frustrée. elle ne regarde pas l'écran qui projette la silhouette de la personne qu'elle espère désespérément et ouvre nonchalamment, prête à virer le mystérieux fauteur de trouble. (si tu savais, hara). je vous l'ai déjà dit, l'appartement d4 c'est.. petit frère est revenu. l'arrêt brise les paroles, mutisme règne soudainement. réalité s'offre à elle, et de tous ses souhaits exaucés, aucun ne lui a jamais semblé aussi effrayant que celui-ci.

la surprise n'est pas de mise,
cadet est là, retour aux relents d'animosité.

il n'y a pas d'excuse pour son absence prolongé et les mois sans réponses. il a su qu'au moment où il allait mettre le pied à l'aéroport que sa soeur allait s'inquiéter et vouloir avoir de ses nouvelles, pourtant, il a ignoré ce fait pour avoir la paix, rien qu'un moment. sa lâcheté ne s'est pas arrêté au moment où il a posé ses valises dans son appartement à séoul, lorsqu'il a refait surface, après des semaines loin de tout. ça n'a pas aidé, pas tant. il a passé tant de temps à laisser l'anxiété lui remonter à la tête, à penser à ce que devait penser sa mère, sa soeur, qu'en revenant en corée, tout est retourné exactement comme ça l'était avant qu'il ne se décide d'aller à shanghai. et le temps s'est allongé, le palpitant au bout des lèvres à l'idée de faire face à ceux qu'il a déçu. en première place se retrouvait hara. et des mois ont passés avant que ses jambes restent bien ancrés au sol, devant son appartement. à faire ce qu'il aurait dû faire, bien avant aujourd'hui.

mais il n'osait pas. la frustration laissé derrière et reprise à la seconde où il est retourné en corée, retour au point de départ, à penser aux raisons pour lesquels il est partie la première fois et il n'a pas été capable de faire face à sa soeur. tout d'abord, parce qu'il voulait pas se retrouver devant sa colère, puis parce qu'il savait que ça n'allait aboutir à rien. puis, parce qu'il repoussait l'idée. plus longtemps il attendait, pire le moment allait être lorsqu'il allait aller la voir. à ne pas vouloir lui dire qu'elle avait raison, que c'était l'une des raisons pour laquelle il avait fuit. repenser à ce qui s'était passé n'était pas dans les plans, il espérait secrètement que ça n'allait pas exploser, mais minzhe connaissait sa soeur.

lorsqu'elle avait ouvert la porte, que sa voix s'était élevée dans l'air, il avait baissé le regard, sans un mot. que dire ? bonjour, je suis de retour ? pardon de t'avoir laissé sans un mot ? tu as eu raison de t'inquiéter et ta surprotection m'énerve ? tant de réponses sans une qui semble assez. une boule se forme, anxiété remontant maintenant qu'il se doit de dire quelque chose. il a beau vouloir dire quelque chose, ça se coinçe. honte et remords refont surface et pour quelqu'un qui passe son temps à réprimer ses réactions, à garder la tête à la surface sans se laisser submerger par ses émotions, il ne parvient clairement pas à les ravaler à cet instant.