I.tsukuyomi est muet depuis sa naissance. on ne lui a pas expliqué pourquoi il serait éternellement bloqué dans un silence contrit, il a accepté son sort, les yeux baissés. à vrai dire, il « peut » parler, mais sa voix reste faible, basse, aiguë et à ses oreilles vraiment désagréable. il en a honte. il ne l’utilise pas. il n’a pas appris à la contrôler, à quoi bon ? il sait comment s’exprimer et se faire comprendre autrement, et cela est bien souvent plus efficace. II. son niveau scolaire le met particulièrement dans l’embarras : enfant à l’apprentissage long et difficile, l’écriture n’est pas fluide et les fautes nombreuses. les mathématiques lui donnent des boutons et de simples additions sont un véritable cauchemar. pourtant, il aurait aimé faire des études, ne pas passer pour un crétin auprès de certains idiots. il souffle et n’avoue que timidement son manque de savoirs. III. petit génie des arts dès son plus jeune âge, une passion qui lui est venue de nulle part ; dès la maternelle, il ne quittait papier et crayons, s’amusant à reproduire le monde qui l’entourait, lui qui ne pouvait s’exprimer comme les autres. ses parents ne l’ont pas encouragé dans cette voie, mais il ne s’est pas démotivé ; il a gravi petit à petit les échelons, souvent en secret, appris de nouvelles techniques sur internet, posant des questions, demandant l’avis anonymement de ceux qui s’y connaissaient. il a posté ses créations sur internet, il s’est construit, à visage caché, une réputation, il a des fans. l’enfant timide a appris à s’affirmer par la peinture puis par la sculpture. ses thèmes de prédilection ? la mythologie, les corps et leur beauté. IV. il aime les couleurs, il aime quand ça bouge, quand ça vit. les nuances de gris le font grincer des dents, le noir le déprime ; il ne peut porter ces teintes. exubérant gamin qui s’exprime comme il peut à défaut de pouvoir formuler ses envies, ses vêtements sont une métaphore de qui il pense être réellement. parfois, c’est déjanté. les coloris ne vont pas ensemble, les coupes sont particulières, originales. mais il s’en fiche. il veut être vu. V. électron libre qui ne reçoit aucun ordre de personne, il volette d’un homme à l’autre sans s’attacher, offre des sourires, des baisers et parfois plus avec générosité. on ne l’a jamais vu se poser et aimer. il ignore s’il supportera un jour de se confier à une seule personne. parallèlement, s’il avoue être également attiré par les femmes, rougissant, il n’ose trop les approcher. VI. la faiblesse ne fait pas partie de lui (sauf s’il l’a surjoue, prince en détresse qui attend son sauveur) ; il n’accepte pas l’aide des autres et à tendance à s’énerver à grands renforts de gestes éparpillés si l’on tente de lui venir en aide alors qu’il gère très bien la situation. l’inquiétude à son égard lui donne des boutons. il va très bien, merci ! ne pas pouvoir parler ne fait pas de lui une petite chose à protéger. VII. les moqueries sur ce qu’il nomme « sa petite particularité unique » ne le font pas rire. il en a subi énormément, enfant et adolescent. il en a souffert. les élèves et parfois même les commerçants chez qui il se rendait s’en sont amusés. certains en jouent, en profitent, sachant qu’il ne pourra pas répondre. pourtant, là, au fond de lui, la colère gronde. les yeux prennent des teintes inquiétantes et il explose de rage. oui, il peut frapper. c’est souvent lui, cependant, qui finit blessé. l’hôpital l’a déjà vu se plaindre de la méchanceté des gens lorsque l’ambulance l’amenait, passablement dans les vapes. VIII. sa petite taille le complexe, parfois. il lui arrive de l’aimer profondément, cependant. il peut se faufiler, ne pas être vu, gratter quelques réductions si on ne demande pas sa carte d’identité – lorsqu’il n’a vraiment pas envie de payer plus cher. il peut jouer la comédie, être convainquant du haut de ses vingt-deux ans. frôler un mètre soixante, ce n’est pas incroyable, n’est-ce pas ? il a beau sauter, s’étirer, les centimètres ne viennent pas à lui. il souffle du nez. difficile d’accepter. on ne le prend pas au sérieux – est-ce seulement possible ? et ça le met en rogne. il n’est pas un gosse, merde ! il est adulte et il sait le prouver. IX. il prend grand soin de lui ; qui pourra-t-il séduire, sinon ? ses cheveux sont peignés soigneusement tous les jours, il y glisse souvent de jolies paillettes pour être plus aisément remarqué. parfois, il teint l’entièreté de sa chevelure ou s’octroie quelques mèches folles. sa peau est douce, il y applique quotidiennement une crème hydratante et qui sent bon. il refuse d’avoir d’hideux ongles mal coupés ; il y applique même un vernis léger et transparent. chaque détail est passé au peine fin dès le matin ou lorsqu’il doit sortir de chez lui. il n’a aucune honte à se maquiller légèrement et discrètement, histoire de cacher les imperfections. il ne voudrait surtout pas paraître disgracieux face à une conquête potentielle ! X. on lui dit souvent qu’il mange trop ; pourtant, il ne prend pas un gramme. il aime tous types de nourriture. il rêverait de goûter une fois à tout ce qui existe sur terre (sauf ce qui lui paraît vraiment dégoûtant) ; découvrir toutes les cultures culinaires du monde. ses exigences ne suivent pas son petit budget et il ronchonne. heureusement, il est aisé de se faire inviter si l’on a les bons contacts et si l’on fait miroiter monts et merveilles. petit con. la cuisine traditionnelle japonaise est toutefois sa préférée.