I.c’est à l’adolescence que le fou besoin de se faire du mal a germé pour la première fois dans son esprit. hantise légère puis persistante, hésitations nombreuses, peur d’être jugé, attrapé en plein méfait. pression trop forte d’une entité invisible, plus d’une fois il s’est recroquevillé en pleurs, la tête pleine de milliers de questions. haine de lui, haine d’autrui, il a trouvé refuge dans le sang qui lentement coulait de ses plaies. malheureusement, un jour, il est allé trop loin. c’est son père qui l’a trouvé et l’a emmené à l’hôpital. il n’a trouvé en cet homme aucun réconfort ; source, au contraire, de tous ses malheurs. depuis, feliks cache farouchement ses poignets meurtris qui ne guériront pas. la honte glisse en lui à chaque interrogation à ce sujet et il sourit bêtement, une excuse idiote au bord des lèvres. il masque la dure vérité à ceux qui l’entourent et l’aiment, de peur de les voir fuir et disparaître au loin. cette cruelle faiblesse lui déchiquette les entrailles à chaque fois qu’il s’y replonge, sans trop savoir quoi faire. II. feliks ne tient pas l’alcool. toutefois, il est rare qu’il oublie complètement ses – honteux – agissements. la gêne prendra possession de ses joues lorsqu’on lui rappellera les événements dans lesquels il s’est impliqués et il feindra l’amnésie. ses amis sont-ils dupe ? il tente comme il peut de s’en convaincre. quelques exemples de ses folies ? allez… dépenser une somme folle dans des roses et les offrir à tous les passants – même au monsieur âgé qui regretterait bien vite d’avoir croisé sa route – ou bien danser suavement sur une table – sans jamais retirer le moindre de ses vêtements, pas folle la guêpe ! tactile et fébrile, il n’est pas rare de le voir disparaître au bras d’une charmante personne, laissant les amitiés malheureuses en plan pour la soirée. oh, et il embrasse les poteaux, aussi. III. il essaie à tout prix d’être cool et stylé. lunettes de soleil sur le museau, gestuelle exagérée, il ressemble à un gamin déjanté qui aurait oublié de grandir. il parle fort, bouscule ceux qu’il, infortunés et malchanceux, rencontre au détour d’une rue. mille excuses glissent hors de ses lèvres mais il est trop tard. l’homme devient rouge écrevisse et creuse sa tombe. il danse dans les ruelles, chante un peu. le sourire dévore son beau visage et parfois, on l’admire. trop optimiste, il bouillonne et fruste ceux qui ne sont pas bien. on est gêné de son comportement, si on ne le connaît pas. il lève un sourcil. « bah... » ça lui fait mal mais il feint l’insolence et l’indifférence. un jour, il bouscula deux policiers et s’écroula au sol. il crut sa dernière heure arrivée mais la pitié eut raison de leur colère. qu’il avait l’air stupide, à ainsi se tortiller sur le sol ! IV. la panique l’envahit lorsqu’il est démuni de tout moyen de communication. son temps est perdu dans les méandres d’internet, sur des sites à l’étrangeté avérée mais qu’il lit avec soin comme si ces enseignements pouvaient lui apporter quelque chose. les réseaux sociaux sont scrutés chaque jour et il se mord la langue pour ne pas intervenir. lorsqu’ordinateur ou téléphone portable disparaissent ou plongent dans la cuvette des toilettes, il chouine et va se réfugier chez un ami pour ne pas être seul et démuni. V. sommeil insupportablement profond dont rien ne saurait l’en tirer, il s’étale et se tortille dans les draps, tombe du lit ou finit dans d’étranges positions, une jambe presque anormalement pliée. des coups sont donnés à l’infortuné partenaire, qui se retrouve trop souvent écrasé par un poids non désiré. feliks demande chaleur et câlins, même plongé dans sa douce léthargie. cerise sur le gâteau, une présence l’aide à ne plus avoir peur. VI. il n’est pas rare de le voir traîner en pleine nuit dans la rue, une cigarette au bec, pianotant sur l’écran de son téléphone, écouteurs dans les oreilles, presque serein. depuis l’adolescence, il sort sans autorisation. pro des escapades dangereuses, il sait par où se faufiler pour s’enfuir sans trop se blesser et revenir sans attirer l’attention. seul dans la brume, il se pose sur un banc et ferme les yeux. parfois, il se laisse aller au repos risqué. s’il ne vit plus régulièrement chez son père, l’habitude lui est restée. l’air vivifiant de la nuit lui fait du bien et le motive à tenir, à sourire. VII. stupidement, il se met en danger. il ne fait pas attention, il ne regarde pas attentivement à gauche et à droite avant de traverser, il boit trop. les attractions fortes ne lui font pas peur. il a déjà pensé à y détacher la sécurité qui le maintient en place – et en vie. il est le premier à proposer des folies à ses amis dans des lieux abandonnés et flippants. il grimpe partout, saute où il peut. le déclin est proche, la chute complice mais les blessures se tiennent éloignées – pour l’instant. on s’interroge, on fronce les sourcils. il rit, hausse les épaules, embrasse une joue et murmure que « ça n’est pas grave, c’est marrant de toute manière ». VIII. à quatorze ans, son père était parti quelques jours pour une obscure raison qu’il ignore encore aujourd’hui, laissant feliks seul avec peu d’argent et de nourriture. une nuit, un bruit particulier l’a réveillé. deux hommes étaient entrés dans la maison et cherchaient tout ce qui pouvait leur rapporter un petit pactole. l’adolescent, tête en l’air, a pointé le bout de son nez. les regards se sont croisés et un couteau s’est pointé sur sa jugulaire. contraint et dans la panique, il leur a révélé tout ce qu’ils désiraient savoir pour rester en vie. il n’a pas appelé la police, n’a pas porté plainte. une fois son père de retour, il a été tenu responsable de ces fâcheux événements – mais si la porte était ouverte, ce n’était pas vraiment la faute de feliks. depuis, pour éviter de nouvelles indésirables rencontres, il vérifie le soir trois fois si tous les accès sont bien verrouillés. IX. ses habitudes alimentaires ne sont guère saines. peu habitué à bien manger dans le foyer familial – si on peut le nommer comme tel – et habitué à se débrouiller seul pour se nourrir depuis assez jeune et avec peu de moyens, à l’âge adulte, il n’a pas changé. le moins cher et le plus facile à préparer car le temps est précieux. la qualité est boudée et ses goûts culinaires sont… discutables. un plat peu calorique et frais sera boudé au profit d’un hamburger plein de graisse et de crasses. le garçon est capable de manger de grosses quantités (de merdes diverses) mais passe parfois plus d’un jour sans ne rien avaler et sans même le remarquer. X. c’est l’ami fidèle dont tout le monde pourrait rêver. souriant, présent, se réveiller la nuit, s’habiller sommairement pour retrouver une personne appréciée dans le besoin. ne pas dormir n’est pas un problème, tenir pendant des heures la main de l’être précieux est un plaisir. ses conseils ne sont pas toujours utiles ou de grande qualité, mais son silence est apaisant. parfois, il dit des bêtises pour faire rire, agit comme un idiot ricanant. il sait quoi faire pour calmer les esprits et les cœurs mais n’acceptera jamais qu’on fasse pareil pour lui. il se donne sans rien consentir à recevoir en retour. une fois, son ami namsoo avait perdu un pendentif très important ; feliks s’est senti coupable et malade pendant des jours jusqu’à le retrouver, lui-même, dans sa propre salle de bain. de quoi vouloir se faire tout petit et misérable d’avoir ainsi peiné quelqu’un d’aimé par son incompétence et sa distraction.