J'essaye, j'essaye, de faire de mon mieux
Et je m'ennuie quand tout devient sérieux
En partant je leur dis droit dans les yeux
J'aurais dû faire un peu mieux

ses doigts maladroits de garçon s’activent autour des tiges et froissent un peu les pétales, et soon-mi le regarde avec ses yeux émerveillés de gamine. il dit gamine alors qu’il a sept ans mais quand t’as sept ans trois ans de moins ça parait tant et toi t’es déjà grand.
ils sont dans leur jardin à attendre mamie. enfin c’est pas vraiment un jardin et c’est pas non plus le leur. ya pas d’jardin quand tu vis dans un hlm, juste un carré de gazon au bas de l’immeuble avec deux-trois marguerites et des merdes de chiens à éviter quand tu t’assois

le soleil tape et bientôt il a fini son œuvre maladroite, un peu moche mais soon-mi est ravie et quand il lui pose sa couronne de fleurs sur la tête son sourire brille plus fort que la grosse étoile.

« tu fais les plus belles couronnes de fleurs de toute la corée ! »

il fait genre il bombe le torse et genre il est trop cool pour que le compliment l’atteigne mais en vrai il est un peu fier.

et là sous le ciel bleu, avec soon-mi et les marguerites, c’est encore le bonheur. et c’est facile d’ignorer les cris qui portent à travers les fenêtres ouvertes du premier étage, et puis les bruits de fracas et de vaisselle qui se brise, et puis le claquement de la peau contre la peau qu’il reconnait pas encore. c’est un peu l’enfance encore tant qu’ils comprennent pas pourquoi mama leur a dit de sortir. et il sait pas encore qu’il doit profiter de cet instant, parce que bientôt yaura l’image du poing qui s’éclate sur la joue de mama qui va plus jamais le quitter.  

mamie viendra bientôt les chercher.

Non mais hey, tu fais un concours de celui qui gonfle les pecs
À imiter ces coqs basse-cour qui se répètent d’être de vrais mecs
Toi, bah tu fais genre pour tenter de t’approcher
Du voyou fort et musclé de soixante kilos à tout casser
Ah bah ouais faut se faire voir, faut se faire respecter
Surtout se plaire dans le miroir tout en marchant épaules galbées

Un jour il s’est ramené au collège en claquette-chaussettes.

La prof a pété un câble, « tu te changes où tu ressors ». Il lui a répondu « j’ai mis mon uniforme pourtant ». Elle a vu rouge et a dit « arrête de jouer au plus con ».
mais minho c’est tout c’qu’il sait faire.

Il a haussé les épaules et il et parti. Il a quand même bien rigolé parce qu’il a réussi à lui faire dire « con ».

Si c'était si facile, tout le monde le ferait
Qui tu serais pour réussir où tous les autres ont échoué?
Oublie tes rêves prétentieux, redescend sur terre
Ou tu n'en reviendras jamais

Ils sont posés tous les deux sur les marches du complexe sportif. C’est devenu le squat des mecs du quartier, parce que les flics viennent jamais icic et parce qu’ya un belle vue sur la salle de gymnastique. Ils peuvent mater les meufs même si elles sont un peu plates, et des fois elles font des positions chelou et ça les fait rire comme des abrutis.

Ils tirent tous les deux sur leur clope, minho du tabac et ho jinautre chose. Ya pas de paroles, des fois c’est bien d’être posé juste comme ça. Puis ho jin il expire sa fumée et il dit « jvais rejoindre le groupe ». ya un ptit silence. « ah, ok ».  « le groupe » c’est un euphémisme pour parler du gang du quartier, celui qui fait sa ptite loi, celui dans lequel traînait le père de minho avant de finir en taule. « enfin, jvais juste dealer deux-trois trucs tu vois, c’est tout. Les magouilles chelou c’pas trop mon truc ». minho tire une latte. « c’est pour la thune tu vois, j’en ai besoin, pour ma mère. C’est pas comme si jpouvais faire grand-chose d’autre, jsais rien faire, j’ai rien. c’est pour ma mère quoi ». il parle trop. Nouvelle latte. « t’as pas a te justifier » mais, entre eux, ils savent tous les deux pourquoi il le fait. Mais minho il s’en fout, c’est pas son problème, t’façon il fait c’qu’il veut de sa vie ho jin. Bas les couilles. mais ça fait chier un peu. De nouveau le silence et eux deux qui tirent sur les clopes.

« et toi, tu vas faire quoi ? »
c’est la question à un million. Et c’est là où ils en sont, maintenant que le lycée est fini, n‘est-ce pas ? faut choisir, faut faire quelque chose de sa vie. Fini de s’la couler douce, fini les rêves sur la comète. Ça fait chier. « rappeur. » ho jin il répond pas tout de suite, comme s’il croyait à une blague et attendait que minho ricane e dise « j’déconne », mais il le fait pas. « t’es pas sérieux minho ? » il est sérieux. « t’es encore avec ça ? » il est encore avec ça. ho jin soupire, semble réfléchir à cqu’il va dire et minho a envie de ricaner, ça pourrait presqu’être drôle dans une autre situation, ho jin qui réfléchit. « écoutes, minho, et ta mère t’y a pensé ? ». il a un ton sérieux qui lui va du tout. minho il y pense tout l’temps à sa mère. « faut qu’tu trouve un truc, pour pouvoir l’aider, elle va pas galérer toute sa vie dans son magasin d’fleurs, en plus sa patronne c’est une conne, tu l’as dit » il a le ton qui s’emballe comme si c’était ses affaires, comme si c’était sa mère a lui, minho veut lui gueuler mêle toi d’ton cul. « j’te dis pas d’rejoindre le groupe, mais même un ptit boulot, comme ça, genre caissier ou quoi, paraît qu’tu peux dev’nir manager en deux ans c’est shin qui l’a dit, après tu pourras économiser pour lui acheter un local. Elle veut sa boutique ta mère non ? » minho il sait très bien c’que sa mère elle veut, il a pas b’soin de ho jin pour lui dire. Puis qu’est-ce qu’il en sait lui, il s’prend pour qui, qu’il s’occupe de sa daronne avant d’penser à celle des autres. Minho il veut lui crier tout ça, il l’aurait surement fait une autre fois, il l’aurait même pris par le col du sweat et plaqué contre un mur et ils auraient crié, il auraient tapé, et ça aurait été mieux sûrement, ça aurait évacuer la colère et ils seraient passé à être chose, au lieu qu’elle s’accumule et qu’elle reste là, comme ça, entre eux, tue. « quand j’aurais percé j’aurais v’là la thune pour lui racheter tous les fleuriste du pays » - «mais putain minho tu vas pas percer, redescends sur terre ! » et voilà c’est dit, enfin. C’est plus sur le ton de la blague maintenant, et ça prend un autre sens maintenant que l’avenir les attend. Mais tranquille, il s’en fout minho, que ses potes croient pas en lui. ça fait pas mal. tant pis s’il est juste la bonne blague quartier, ils riront moins quand ils achèteront ses tickets. Il se lève et écrase sa clope par terre du bout de la basket. « vas te faire foutre avec ton gang à la con. » et il est parti.

Il a pas crié, il a pas tapé. Il a pas évacué la rage et la deception. et c’est un peu con parce qu’elles vont jamais bien partir du coup.

Moi tout c’que jsais faire
C’est niquer des mères

C’est faux. Minho il nique rien du tout. Pas les daronnes, ni au sens propre ni au sens métaphorique (c’est la sienne qui le niquerait sinon). Pas leur filles non plus.
Et des fois il voudrait niquer leurs fils (au sens métaphorique cette fois, parce qu’il est pas homo. Non pas qu’ce soit mal d’être homo ou quoi, il a rien contre les homo, mais bon, voilà quoi. Pas lui), mais souvent il s’dégonfle avant. Ça l’empêche pas de gueuler à tout va « j’vais t’niquer toi ! »

Et il nique rien du tout à part sa santé et son avenir.

J'essaye,
j'essaye,
de faire
de
mon
mieux
...