「 i feel it all 」—
☾☾☾ son père était lié à oncle nawei, issus d'univers brutaux : anciens membres de gangs. ex-taulards.

il avait eu une vie avant aecha, jinjin : une épouse et deux enfants en bas-âge. bien mal lotis, perdus entre une mère camée et un père alcoolo ; deux innocents ayant péri dans l'incendie accidentel déclenché par un cambriolage maladroit. il s'était fixé un objectif, jinhyuk : leur faire payer. et c'est en collaborant avec les flics, pour les faire tomber, qu'il a côtoyé aecha d'un peu trop près. encore brisé, plaies à vif, il a paniqué pourtant face à la nouvelle de sa grossesse accidentelle, et s'est tiré. ayant déserté avant le terme de l'entente passée avec la police, il n'a pas échappé aux poursuites dues à quelques-uns des crimes passés dont les éléments remontaient jusqu'à lui ; et c'est aecha qui a dû le coffrer. ça a duré cinq ans. il aurait pu ne jamais revenir et pourtant, à sa sortie, c'est sur le pas de la porte du petit appartement d'aecha qu'il a posé ses maigres valises. et en ouvrant la porte en dépit des interdictions que débitait sa mère en toile de fond, mimi est tombée amoureuse. des yeux qui souriaient en croissants de lune, de ces dents un peu crooked, et de l'émotion qu'il tentait de ravaler lorsqu'il lui a lancé, comme si de rien : hey, salut toi. j'suis ton papa.

☾☾☾ son petit entourage est intrinsèquement lié. mailles serrées, toile précieuse, liens héréditaires d'une génération à la suivante. plus encore que de belles amitiés : une grande famille.

☾☾☾ il était pompier, papa, véritable héros des temps modernes. mais une nuit, le dragon cracheur de feu l'a englouti de sa hargne. mimi était chez yuta, ce soir-là ; ils avaient leur tradition des nuits de tourments : tous les deux calés à l'intérieur du même pull informe, celui de jinjin, à attendre devant le combiné qu'il leur dise qu'il était rentré. il n'a jamais appelé.

☾☾☾ petite, mimi elle voulait d'un carrosse. elle le voulait tellement, tellement fort qu’elle en a fait des caprices, tapant des pieds et refusant de se hisser dans toute voiture n’étant pas tirée par des chevaux. alors maman aecha a fait d’elle un baby rider, motarde en culottes courtes. mimi adore. la moto qu’elle a eue pour ses 19 ans lui fait office de monture. elle l’a appelée khan, comme le cheval de mulan, et à voir combien elle la bichonne on croirait avoir affaire à une créature vivante. si maman est trop absente pour qu'elles partagent réellement cette passion commune, mimi a trouvé en yujin un alter ego dans le domaine ; et ils ne comptent plus les nuits blanches dont ils ont atténué l'angoisse en roulant à toute allure sous la voûte nocturne.

☾☾☾ elle a une foi immodéré en les étoiles, leur perception de la détresse et des messages des hommes, et leur propension à leur accorder leur protection. on lui a dit que papa avait grimpé tout là-haut — et elle a refusé de cesser d'y croire, mimi. s'est plutôt attelée à prier les étoiles de prendre soin de lui en son nom ; et lui écrire des lettres dans l'espoir fou qu'elles lui parviendraient. c'est sûrement pure coïncidence que le facteur ait un jour jeté l'une des missives à proximité d'un petit garçon aussi farfelu qu'elle. han ja aurait pu l'ignorer, mais a préféré lui offrir une réponse inespérée : la description pleine de rebondissements de son ascension jusqu'aux étoiles, et de son périple à travers les objets célestes, pour remettre ses mots à qui de droit et ramener une réponse en retour. avec les années la passion, partagée avec yuta dans l'apprentissage et la réinvention des constellations, partagée avec ja et les innombrables interrogations au sujet de l'univers, s'est concrétisée en projet d'avenir.

☾☾☾ à l'école, les gens gravitaient autour d'elle. pas de la meilleure des façons. mimi était ce petit clown inconscient qui voit mais ne veut pas croire qu'on se moque d'elle. qu'on lui vole ses affaires dans le but de les disséminer à travers couloirs et salles de classe — elle choisissait d'y voir une partie de cache-cache. qu'on la fasse parler de créatures mythiques pour ensuite en ricaner — elle optait pour rire à leurs côtés. qu'on la pousse à fabriquer d'autres de ces objets dénués de sens et de fonction, ou de ces bijoux indescriptibles d'étrangeté — elle s'y attelait avec application. elle n'a jamais été populaire à l'école, mimi ; plutôt formidablement impopulaire, ravalant l'angoisse lucide pour s'armer d'inconscience comme d'une armure, et la weed a consolidé son nuage effrité. l'important, dira-t-elle, est qu'elle n'a jamais été tout à fait seule, et que rien n'a jamais dérapé au-delà des railleries et petites blagues de mauvais goût. il y avait toujours l'ombre de ses amis d'enfance pour y mettre un frein.

☾☾☾ ce n'est pas pareil à l'université. comme s'ils avaient franchi un cap, les étudiants s'arrachent à leurs réserves pour brandir leur identité, leur individualité. d'un coup, se conformer n'est plus tant à la mode ; il vaut mieux être unique. c'est un peu plus facile alors, à l'uni, d'être une mimi. malgré tout, elle conserve une drôle de réputation. trop junkie pour passer inaperçue, elle a traîné quelques rumeurs d'OD amplifiées par sa désintox. sa complicité avec yuta et noam a nourri des soupçons quant à un potentiel trouple — et c'était si absurde qu'elle s'en est longtemps amusée. parfois, elle est juste si bruyante et étrange, que les autres ont un peu honte de s'afficher avec elle. en soi, mimi laisse glisser les critiques sans trop s'y accrocher. mais il y a des fois où elles suintent à travers la toile et lui imbibe l'âme de tristesse. dans ces moments-là, il est plus difficile de ne pas rechuter.

☾☾☾ elle a longtemps insisté pour fabriquer main les cadeaux (et leurs paquets) destinés à ses proches. si bien qu’ils recevaient des objets franchement bizarres, pour ne pas dire hideux, dont il était difficile de déterminer la nature (d’autant plus qu’elle n’indiquait pas à quoi ils étaient censés servir). fait amusant, aecha parvenait toujours à déterminer ce dont il s’agissait, pour le plus grand plaisir de sa fille. à présent elle fait moins souvent dans l’artisanal, mais offre des choses qui sur le coup semblent sorties d’absolument nulle part ⎯ exemple : des talonnettes. et on a l’impression de s’être fait rouler, jusqu’à ce qu’on coince ses chaussures préférées dans une bouche d’aération deux jours plus tard et que les talonnettes reçues en cadeau s’avèrent exactement de la bonne forme pour réparer les précieux stilettos. lorsqu’on lui en parle après coup, mimi rit juste avec délice et affirme que les extraterrestres (ou quelque créature imaginaire) ont dû lui souffler l’idée en rêve (yuta et elle sont d'ailleurs supposés apprendre le morse pour être prêts à communiquer à distance au moment voulu).

☾☾☾ elle est végétarienne depuis une éternité. petite déjà, elle avait mal au cœur à l'idée de manger de la viande et pleurait facilement à ce sujet, parce que son esprit fertile faisait systématiquement un parallèle entre ce qui se trouvait dans son assiette et l'animal, vivant, gambadant joyeusement dans les champs. aecha a toujours respecté son choix à la condition que son alimentation soit équilibrée et que sa santé n'en pâtisse pas. et mimi prend ça très au sérieux ; mais ses aptitudes en cuisine se limitent à d'étranges plats santé, de l'eau rendue trouble par l'aloe et de jolies pâtisseries. en général, tous les plats salés nécessitant trop de cuisson et d'attention finissent monstrueusement cramés.

☾☾☾ petit génie des chiffres, calculatrice humaine. elle a la mémoire des nombres, inventait et retenait toujours des séries de codes pour ses amis. elle a également tendance à mémoriser des statistiques en pagaille ; certaines sont simplement factuelles, d'autres impactent son quotidien : elle a notamment des tocs concernant la symétrie, le rangement et la propreté, ne pourrait s'appuyer contre un bar sachant combien il peut y avoir de microbes.

☾☾☾ l'uni, les études, la vie ici, c'est le plan c. celui consolidé par la force des choses, au fil des années. le plan a était (et est encore, au fond) la révélation de sa nature de sorcière. elle n'a jamais cessé d'attendre sa lettre de poudlard, mimi. en plan b, son enlèvement par les extraterrestres. elle sait qu'ils l'emmèneront un jour vivre sur une étoile filante qui lui fera faire le tour de la voie lactée. alors parfois, elle devient émotive et clingy avec ses meilleurs amis, comme à l'approche d'une séparation (on ne sait jamais). elle n'oublie jamais, dans ces moments-là, de leur assurer qu'ils lui manqueront quand elle sera hors de vue des moldus ou tout là-haut, dans l'espace.

☾☾☾ la chute dans l'enfer de la drogue a été progressive. d'abord la weed, faussement innocente — et puis, tout est devenu incontrôlable. lignes immaculées d'héroïne sniffées seule ou à plusieurs jusqu'à en avoir le nez en sang, avant-bras bleuis à force de côtoyer la seringue. et puis les jolis comprimés colorés, quand elle peinait à s'offrir "mieux". la lutte contre la drogue a d'abord été une lutte contre les autres : mimi ne voulait pas cesser, ne voulait pas changer, ne désirait en rien se priver de ses univers rêvés. malgré l'inquiétude de ses proches, le désespoir de yuta, la rupture avec yujin, le déni désemparé de noam, la panique d'aecha. le sevrage choc et forcé en désintox s'est soldé par un échec, et elle a vécu comme une punition l'isolement auquel elle a été soumise des mois durant en rétribution. elle s'était teint les cheveux en platine, à cette époque, exprimant tacitement combien elle se sentait disparaître et mourir entre les murs immaculés de l'hôpital. ou peut-être combien elle ne se sentait exister qu'à travers ses lignes blanches — qui sait. avec un tel état d'esprit, elle n'a pu que rechuter. un accident, la peur que l'information ne filtre et qu'on ne la prive de sa moto : elle a recontacté son dealer, en quête de quelque chose pour apaiser la douleur des contusions en attendant qu'elles disparaissent d'elles-mêmes. et c'est à la kétamine qu'elle a alors recommencé à s'achever. il a fallu que, tout autour, d'elle se détériore sur la durée, pour qu'elle s'arrache à son inconscience mortelle. que lijuan, sa partner in crime, sombre dans une terrifiante catatonie. que yuta et noam rompent par la faute de mimi. qu'aecha, toujours si composée et en contrôle, sombre dans une paranoïa hystérique. qu'une vidéo de nina confronte mimi à ce qu'elle devenait — ses joues creuses et ses cernes profonds, son état de confusion, ses sautes d'humeur. qu'on lui interdise de conduire. qu'elle se déscolarise et s'isole. se sente perdre contact avec la réalité — psychose. que la douceur des mains de Ja lui rappelle combien la vie pouvait être belle, bien assez pour qu'elle s'y sente chez elle. que ses mondes fictifs se muent en cauchemars — bad trips. et en bout de parcours, que yuta menace de se détruire à l'alcool si elle persistait. à s'enliser dans des sables mouvants, mimi a fini par prendre peur. si la cloîtrer une nouvelle fois en longue désintox a été prohibé, elle a néanmoins dû mener sa lutte avec un soutien médical. vit désormais avec un traitement de substitution aux opiacées, ainsi que l'expérience des réunions d'anonymes partagées avec yuta et vega.

☾☾☾ parce que l'école l'a longtemps ennuyée, et que ses troubles d'attention inquiétaient aecha, mimi s'est vu offrir l'opportunité de s'essayer à autant d'activités qu'elle l'a désiré. lubies passagères, mais passions intenses le temps qu'elles duraient. de notable, il y a eu la harpe, la pâtisserie, ainsi que la danse, où elle a convaincu yuta de la suivre. à leur majorité, ils ont été contactés par une agence à cause d'une vidéo mise en ligne par le studio où ils suivaient les cours ; mais s'ils ont tenté de s'y rendre en douce, sous l'insistance de mimi, ils se sont fait attraper en flagrant délit de fuite nocturne par leurs parents et ont dû rebrousser chemin. le désespoir de mimi s'est avéré aussi intense que bref, noyé en une nuit apocalyptique dans les larmes et la crème glacée.