hajun pense souvent courage dont ils ont fait preuve, de monter dans ce bateau bringuebalant, de tourner le dos à leur pays. de laisser leur mère derrière eux. l'histoire de leur fuite de la corée du nord, il l'a entendu cent fois. « fallait qu'on sauve papa et jinha tu comprends mon chéri. » sa mère avait toujours besoin de se justifier, comme si, des années plus tard, elle en avait encore honte. son père et sa petite sœur étaient atteints de la même maladie, dégénérative, funestes. ils ignoraient à l'époque qu'ils n'en réchapperait pas, mais la motivation était trop belle pour ne pas y placer tout leurs espoirs. « on pensait qu'au sud, ils sauraient quoi faire. »

son grand-père n'a jamais vu séoul. il est mort avant, quelques mois après leur arrivée en Chine. on aura jamais su si c'est le chagrin d'avoir laissé sa femme ou sa santé qui l'a tué. la première option semble plus poétique. les trois enfants sont resté près de trois ans en Chine, à craindre la déportation s'ils étaient dénoncé. ils ont vécus de prostitutions et de travail clandestin, payant le silence de leurs passeurs qui leur faisaient miroiter un billet vers le Sud. hajun est né là-bas, dans le sous-sol où ils vivaient tous les trois. son père c'était un sud-coréen trouvé raide amoureux de sa prostituée de mère. un cadre un peu raté mais volontaire qui a fini par ramener femme et enfant avec lui à Séoul, libérant la fratrie de son esclavage moderne.

Jinha est morte un peu après, ils ont rien pu faire pour la soignée.

hajun avait cinq quand quand sa mère a fini par demander le divorce. le gamin est pas sûr de se rappeler s'il a perdu son travail parce qu'il buvait, ou s'il a commencé à boire parce qu'il avait été licencié. ce dont il se souvient par contre, c'est les journées en solitaire avec son alcoolique de père, pendant que maman travaillait. il s'énervait souvent trop fort, quand sa cannette n'arrivait pas assez vite.

elle s'est remariée avec un homme qui a finit par reconnaitre son fils. ils lui ont donné un petit frère, et ils ont été nourri des espoirs de leur mère pour eux. le rocambolesque de son arrivée à séoul, elle ne le souhaite par pour ses garçons. comment ignorer la souffrance de ses prunelles pourtant ? d'aussi loin qu'il s'en souvienne, ça a toujours marqué hajun de la savoir si profondément malheureuse. douleur ancrée dans sa chair, irréparable.

son séjour à l'armée l'a marqué au plus profond de son être. hajun l'enfant-lumière, le petit rescapé de l'exode parental, lui qui a vécu les sombres aventures à travers sa mère. il s'est toujours sentit spécial, à plaindre. arrogance mal placée qui lui a valu de souffrir plus que prévu dans cet univers masculin. personne n'aime les petits cons. il a mordu la poussière plus que de raison, et l'humiliation l'a rendu plus violent, plus dur, plus cassé. difficile de se remettre d'une pseudo-guerre, de s'imaginer avoir éduqué pour combattre contre le pays de sa mère. la rage qu'il produit ne s'évacue plus, il a perdu pied lentement, jusqu'à s'échouer à la sortie du service, sans parvenir à reprendre ses marques.