Le soleil est haut dans le ciel lorsque tu quittes la maison, un post-it abandonné sur le frigo pour avertir ta mère : ( je rentre tard, ne m’attendez pas. ) Comme la veille, tu passes ta journée dans l’eau à surfer des vagues capricieuses. La mer est plate bien qu’agitée, tu peux sentir le courant t’emporter vers le large lorsque tu passes au-dessus de cette baïne. Loin de la plage se forment quelques rouleaux misérables qui meurent bien avant de toucher le sable. Assis sur ta planche, t’observes le monde arriver et profiter des chaleurs de l’été.
Tous les drapeaux sont au vert malgré la marée haute et les premiers ne tardent pas à se jeter à l’eau. Quelque part, tu envie leur insouciance, car bientôt il te faudra avouer ton secret. Ça te ronge de l’intérieur de mentir délibérément à ta famille sur ton état de santé. Parce qu’au fond ça ne va pas, ça ne va plus depuis quelques mois. Tout a vrillé lorsque d’autres ont été sélectionné à ta place, quelques centièmes d’écart - pas une grosse différence, mais suffisante pour tout ruiner. Des années d’efforts et de sacrifices, tout ça pour quoi ? Pour hériter d’un stage dans un pays étranger, d’une épaule blessée à jamais.
Alors t’es là, comme un con, à regarder les autres profiter de la vie quand tout ce que tu voudrais c’est pleurer. Plus loin, les rires d’une fillette sur les épaules de son père te sortent de ta rêverie. Du mouvement sur ta droite attire ton attention, un jeune-homme se bat contre le ressac. Tu ne bouges pas immédiatement, mais à bien y regarder il se fatigue pour rien. Sourcils froncés, c’est là qu’un peu plutôt une baïne s’est formée. Sûrement un touriste, le garçon fait du surplace sans s’en rendre compte. Conscient qu’il n’y arrivera pas seul, tu pagaies jusqu’à sa hauteur : « Hey, tout va bien ?! » Sans vraiment lui laisser le temps de répondre, tu ajoutes : « Accroches toi à la planche. Besoin d’un coup de main ? »