un enfer. c'est ce que vit présentement soonki. il ne sait pas si sa soeur a seulement conscience de ce qu'elle lui a fait. elle lui a retiré la dernière chose au monde qui le liait encore à sa famille chérie. celle qu'il a "abandonné". il a beau savoir que ce n'était pas volontaire ; qu'il a simplement été arraché à elle par le gang, mais la culpabilité a toujours fait partie intégrante de lui depuis. il est bien le fils de sa mère... la haine qu'il lui porte s'est aussi retournée contre lui lorsqu'à 16 ans, il n'a plus jamais pu revoir les visages de son père et de sa soeur cadette. haneul ne sait pas combien il se déteste. elle ne sait pas combien il s'en veut. elle ne sait r i e n. et malheureusement, il compte bien que cela reste ainsi.

elle peut le haïr de toutes ses forces, si elle le veut. tant qu'elle est en sécurité. loin de lui et de sa vie de misère. soonki n'a pas cessé de pleurer, les soirs qui ont suivi. il est désemparé, ses mains tremblent constamment. il a du mal à faire semblant. plus que d'habitude. il tente de se noyer dans l'alcool, mais pas que. il demande plus en plus de violence dans ses relations sexuelles. et il est tombé sur un mec aussi taré que lui, qui l'a envoyé à l'hôpital. il a perdu conscience sous la douleur extrême et l'épuisement. toutes ces journées à ne vivre que de sexe violent et d'alcool ont fini par le faire douiller. il jonche depuis quelques heures dans son lit, parfaitement nu sous la jaquette d'hôpital. le visage coloré à plusieurs endroits. des marques violacées de strangulation sont visibles autour de son cou.

il fait peur à voir. l'oeil cerclé de plusieurs teintes violettes et jaunâtres. les lèvres fendues à quelques endroits. sans parler du reste de son corps qui est dans le même état, avec des traces de morsures en plus. une perfusion est implantée dans son bras. et lorsque le jeune homme s'éveille, il panique un instant en se demandant où il est et une grimace déforme ses traits sous la douleur de son corps lorsqu'il bouge. "ngh." un gémissement lui échappe également et un sanglot se coince dans sa gorge en voyant l'intraveineuse au creux de son coude. génial. il est à l'hôpital. et à en croire la lourdeur de son corps tout entier, ses ébats ont dépassé sa limite déjà bien grande. soonki ne remarque pas que le rideau est repoussé pour laisser apparaitre une silhouette qu'il connait.

Cette journée aurait pu être tout ce qu'il y a de plus banale pour Kijun, enfin dans la mesure de ce que banale peut signifier au sein d'un service d'urgence bien entendu. Mais malheureusement (ou heureusement) pour lui, cette journée lui réservait une surprise dès plus désagréable. Comme à son habitude alors qu'il s'était confortablement installé derrière l'un des comptoirs des urgences, dans le but premier de contrôler les dernières admissions et ainsi d'effectuer quelques contrôles de routine, son regard fut attiré par un nom bien précis. Bae Soonki ... Là, parmi les centaines d'entrées aux urgences de Séoul figurait ce nom qu'il ne pensait pas revoir de si tôt. Kijun aurait pu ignorer la chose, pourtant sa curiosité eu finalement raison de lui. Enfin curiosité ... il ne comprenait pas vraiment ce besoin étrange de se rendre à son chevet. Sûrement une stupide déformation professionnel sans aucun doute se dit-il dans l'espoir de se rassurer, tandis que sur le chemin il se mit à lire les quelques informations contenues dans le dossier. Coups et blessures, marques de morsures, signe de strangulation ... eut-il l'occasion de lire ses sourcils se fronçant un peu plus à chaque instant. " Que diable lui est-il arrivé ?" s'exclame-t-il alors qu'il referme le dossier et tire le rideau donnant sur le lit de son patient, laissant apparaître le corps meurtri du jeune homme. Lentement et avec précaution le médecin referme le rideau et s'approche à pas de loup du jeune homme qu'il pense encore endormi. Il ne lui suffit alors que de quelques secondes seulement pour comprendre l'étendu des dégâts, et inconsciemment ses dents se serrent, sa mâchoire se contracte et son regard lui se pare d'un voile de tristesse. " Oh vous êtes réveillé. Comment vous sentez vous ? " questionne-t-il en bon médecin, bien que persuadé de la réponse à cette question.

il a envie de se perdre dans les sanglots qu'il sent poindre. il a envie de disparaître. soonki ne veut plus exister. c'est trop difficile. il a tout perdu, ça y est. il est au fond du trou. comment pourrait-il remonter la pente, alors qu'il n'y a plus rien qui le retient? il vaudrait mieux en finir tout de suite. son palpitant s'excite dans sa poitrine et il sait ce que ça signifie : une crise d'angoisse qui s'apprête à l'assaillir. ici. alors qu'il est seul. le jeune homme n'a plus aucune source de bonheur dans sa vie. il n'a plus rien qui le maintient la tête hors de l'eau. il avait pour habitude de poser les yeux sur son bracelet lorsqu'il se sentait dérailler et le simple fait de penser à sa famille réussissait à le calmer. malgré qu'il n'a pas pu les voir depuis si longtemps. 10 ans. c'est déprimant rien que d'y penser. même s'il a revu sa soeur, dernièrement.

le rideau est tiré, puis refermé derrière la silhouette sur laquelle il pose les yeux dès que sa voix lui parvient. elle est étouffée et lointaine ; il ne comprend pas bien ce qu'il lui dit. soonki fait une tentative pour parler, mais il n'est pas réellement certain que c'est concluant. premièrement, sa gorge le fait terriblement souffrir et deuxièmement, il ne s'entend pas parler. il lève sa main pour la porter à l'une de ses oreilles afin d'en constater l'absence de ses appareils auditifs. alors il se contente de regarder le médecin. baek kijun. c'est le médecin à qui il a fait du rentre-dedans lors d'un de ses check up. ça aurait probablement été pareil, cette fois, s'il n'avait pas été si mal en point. non, tout ce qui hante ses pensées, pour l'heure, ce n'est pas le sexe. étonnant.

sans même crier gare, soonki laisse les larmes inonder son visage meurtri. expression déformée par la tristesse et la détresse. en plus d'être inapte à mouvoir son corps comme il le veut, il n'entend pas. enfin, seulement quelques sons. la voix du trentenaire, il l'a entendu, mais impossible pour lui d'en percevoir les paroles prononcées. alors il pleure, jusqu'à ce que son corps soit secoué par une soudaine crise de panique. le rythme cardiaque accéléré et la respiration rapide et superficielle. une douleur à la poitrine et l'impression de suffoquer. le cri n'arrive pas à s'échapper de sa gorge. il n'a plus l'emprise de son corps et pour être parfaitement honnête, il n'a pas envie de la reprendre. s'il pouvait crever, que sa douleur disparaisse.

En pénétrant dans ce qui devait s'apparenter au mieux à un semblant de chambre, Kijun ne s'attendait pas à ce qu'il allait découvrir. Le spectacle qui s'offrit à lui fut bien plus lourd à encaisser qu'il ne l'aurait cru, et bien que le dossier du patient l'ait aiguillé sur son état il n'avait guère imaginé une telle scène. Le jeune homme était dans un état plus que lamentable, et dans d'autres circonstances peut-être que le médecin n'aurait  même pas reconnu ce visage qui l'avait tant agacé quelques semaines plus tôt. " Bae Soonki ?" questionne-t-il sans obtenir de réponse de la part du blessé. Lentement Kijun s'approche alors du lit d'hôpital, et c'est seulement là qu'il aperçoit sur la table de nuit des appareils auditifs. Sous la surprise ses sourcils se froncent, il était vrai que lors de leur première rencontre qu'il n'avait pas prêté attention au visage du garçon et plus encore à ses oreilles.

Kijun comprend donc que l'absence de réponse de la part de l'acteur n'était pas volontaire et tandis qu'il s'empare des minuscules objets pour les lui tendre, le corps du bel apollon se met à trembler. " Hé, monsieur Bae ! " s'exclame-t-il tandis que les spasmes se font de plus en plus puissants. Sans même réfléchir plus longtemps, Kijun se penche au dessus du visage de Soonki, l'une de ses mains se dépose alors sur sa joue et commence à essuyer maladroitement ses larmes tandis que de son autre main libre il essaye de réinstaller l'un des appareils. Quelques secondes plus tard l'appareil est correctement relié et le médecin retire sa main de sa joue, pour venir maladroitement agripper les mains tremblantes du jeune homme. " Chuuut ... ça va aller. Regardez moi et essayez de respirer, d'accord ? " lui propose-t-il alors qu'il effectue à l'aide de son pouce un petit mouvement circulaire sur la peau du garçon. " Nous allons compter ensemble. Ca vous aidera à vous calmer et à reprendre votre souffle. " lui explique-t-il avec un sourire rassurant aux bords des lèvres " Je commence ... Un ..."

il n'a pas envie de tenter de se calmer et pourtant, il le doit. il ne peut pas tout simplement se laisser dépérir ainsi. une part de lui le sait très bien. néanmoins, ne rien entendre de ce que lui dit le médecin le fait encore plus paniquer et c'est l'élément déclencheur de sa crise de panique. aussitôt, kijun se penche vers lui et emprisonne son visage de ses grandes mains. dire qu'à leur première rencontre, il mourait d'envie d'avoir ses mains sur lui, alors qu'en l'instant, il voudrait s'en défaire. il a à peine conscience que ce dernier tente de remettre en place l'un de ses appareils auditifs. ça ne le frappe pas tout de suite, qu'il entend mieux.

l'éclat soudain de la voix grave du médecin l'aide à reprendre un peu contenance. pas tout à fait calme, au contraire, même. soonki tente tant bien que mal de reprendre le contrôle sur sa respiration, mais sans ancre à la réalité, il n'y parvient pas totalement. l'une de ses mains s'agrippe à sa blouse blanche, la détresse encore peinte sur ses traits et au fond de ses prunelles. le regard rivé à celui de kijun, le garçon commence à reprendre possession de son corps. "... deux..." articule-t-il difficilement d'une voix extrêmement rauque. elle lui fait mal, si bien qu'il grimace et ça l'aide aussi à revenir au calme. son corps entier le fait souffrir et il sait que s'il se trouve à l'hôpital, c'est parce que son état est grave.

c'est qu'eren ne l'a pas épargné et il n'a aussi pas grand chose à faire de respecter les limites presque inexistantes de soonki. qui ne les respecte pas lui-même. "docteur..." et sans même pouvoir le prévoir ou s'en empêcher, il éclate en sanglots abondants. comment parviendra-t-il à continuer d'avancer? car il le doit, malgré tout. malgré la douleur physique et émotionnelle. malgré la disparition tragique du seul objet qui l'aidait à tenir bon. c'est triste à dire, mais soonki sait qu'il est en train de se foutre en l'air et il n'a aucune intention de s'en empêcher ou de s'arrêter. toutefois, s'il peut avoir quelque chose pour apaiser sa douleur, au moins physique, il ne va pas dire non. "j'ai... mal..." une petite toux le secoue et il se rend compte que ses côtes le font également terriblement souffrir ce qui lui arrache un gémissement de douleur.

Tandis que Kijun tente non sans quelques difficultés à remettre l'appareil auditif du jeune homme, celui-ci toujours autant paniqué a bien du mal à se calmer. Ainsi, alors que le monde bourdonne à nouveau de sonorité le médecin l'invite à le regarder et à compter avec lui. C'était une vieille technique mais oh combien efficace, pendant quelques secondes Kijun ne le lâche pas d'un iota, plongeant son regard dans la sien dans le but de l'aider à se focaliser sur autre chose que l'angoisse qui le ronge. Lorsque Soonki commence à compter avec lui, l'esquisse d'un sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu'il hoche légèrement la tête en signe d'encouragement. " Très bien, c'est parfait Soonki. Vous vous débrouillez comme un chef. On continue d'accord ? Trois ... quatre ... " lui dit-il sans lâcher ses mains qui cessent progressivement de trembler.

Pendant les quelques minutes durant lesquelles il tente de calmer l'acteur, le quarantenaire ne lui lâche guère la main et ne cesse de l'encourager discrètement. Un regard approbateur, l'esquisse d'un sourire, puis une caresse sur le dos de sa main, tant de petits gestes réconfortants qui il l'espère l'aideront à s'apaiser. Contre tout attente, le calme semble plus ou moins revenir jusqu'à ce qu'il éclate en sanglot après l'avoir interpellé. Surpris, Kijun lui lâche les mains " Monsieur Bae ?" semble-t-il s'inquiéter avant de reprendre ses esprits et de s'éloigner pour disparaitre aussi rapidement qu'il était venu. Sans un mot pour son patient, le docteur Baek s'éloigne sans même le prévenir, mais très rapidement le voilà qui tire à nouveau le rideau pour rejoindre le lit de son jeune patient. En silence Kijun commence à retirer l'ancienne perfusion, la remplaçant par ce qu'il pense permettra à Soonki de moins souffrir. " Quels bandes d'incapables." marmonne-t-il dans sa barbe quasi inexistante la colère bouillonnant en lui tandis qu'il termine de brancher la perfusion. " Ils n'ont pas jugé nécessaire de vous donner de quoi apaiser la douleur. Pensez bien que je ne laisserais pas une telle erreur se reproduire. Je vous ai branché une perfusion de morphine, vous devriez vous sentir un peu mieux d'ici quelques minutes." explique-t-il à l'attention de son patient avant de prendre place sur le fauteuil installé non loin du lit. " Monsieur Bae, je ne vais pas passer par quatre chemins avec vous. Souhaitez-vous parler de tout ça ? Je veux dire avec un professionnel bien entendu. Je peux vous rapprocher du psychologue de l'hôpital si vous le désirez. "