ootd _ mood _

    Le ciel est doucement en train de changer de couleur quand le moteur de la moto s'arrête quelques mètres devant le bâtiment. Le casque se pose sur le guidon dans un silence contrastant, et les narines se détendent, humant l'odeur bien distinctive du quartier d'Itaewon, qui a quelque chose de spécial et chaleureux. Yale fait quelques mètres, et observe l'interphone du bâtiment, hésitant. Elle n'a pas prévenue qu'elle était là, mais elle est venue par envie. Elle a changé ces temps-ci. On aurait pu penser qu'elle serait misérable, croupie chez elle à ruminer et pleurer. Mais c'est tout le contraire. Il y a quelque chose de libéré. Elle est triste de l'histoire qui s'est terminée, évidemment, mais aussi, résignée et remontée. Yale était bien au courant que les choses allaient se terminer, car elles ne pouvaient pas marcher. Mais face à cette finalité, elle est restée stupéfaite de voir que ses efforts n'avaient aucunement compté. Le chemin qu'elle avait parcouru, les façades qu'elle avait pourtant bien maintenues. Cela n'avait compté pour rien, car elle n'avait même pas eu le temps de s'en justifier. Alors, à quoi bon s'épuiser? Yale se sortait bizarrement plus forte de là. Et elle n'avait plus envie de se prendre la tête pour quoi que ce soit. Elle voulait enfin s'amuser, et faire ce qu'elle désirait faire, sans venir à se demander comment on allait la juger. Elle en avait marre de ça. Elle cherchait le bonheur, et l'amour propre, et ces deux choses semblaient bien près. Devant l'immeuble de Jaesun, donc, elle avait envie de surprendre son ami et de passer du temps avec lui. Cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus. Et même s'ils s'échangeaient régulièrement des messages, Jaesun méritait aussi de la voir quand Yale allait bien, et pas seulement quand elle était au bord du gouffre.

   Profitant que quelqu'un sorte du bâtiment pour ne pas sonner à l'interphone commun, Yale monte jusqu'à l'appartement de Jaesun, espérant qu'il soit là. Quand elle trouve le lieu, elle appuie sur la sonnette et montre dans l'oeil de boeuf le paquet de steak qu'elle a acheté pour lui cuisiner, espérant que ça lui fasse ouvrir la porte. S'il était là, tant mieux. Et s'il était absent, elle attendrait sur son paillasson en attendant qu'il arrive. C'était trop tard pour lui envoyer un message maintenant.

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    Après avoir sonné cinq fois, il semblait évident que Jaesun n'était pas là. C'était un peu décevant, car Yale n'aimait pas attendre. Mais en même temps, elle avait trop de chemin pur cette surprise qu'il n'apprécierait peut être même pas pour lui envoyer un message. Alors elle avait décidé d'attendre contre sa porte, le dos appuyé à regarder son téléphone. Elle espérait juste qu'il n'ait pas déjà commencé à travailler car elle n'avait aucunement envie de passer sa nuit dans ce couloir qu'elle pourrait presque qualifié de délabré. Mais non. Après une certaine attente, une voix cassa le silence de l'air et Yale releva la tête. A la vue de son grand ami, son visage s'éclaira d'un coup. "Jason-Oppa!!!" Elle s'écria, s'écartant habilement pour qu'il puisse ouvrir la porte. Une fois qu'ils avaient tous les deux pénétré à l'intérieur, elle s'avança vers lui en entourant son cou de ses bras sans même lui demander son avis. Et elle tenait bien évidemment encore sa barquette de viande crue dans la main. "Evidemment qu'il est de bonne qualité, je n'achète que du boeuf avec le moins de gras possible, sinon c'est mauvais pour ma peau." Et puis, le prix de la viande ne l'avait jamais importuné. Elle finit par s'écarter, laissant Jaesun respirer. "Mais non, je crois que le jambon, tu me le devais? Là c'est juste de la générosité." Elle répond avec un grand sourire. Elle l'avait sous-estimé, mais de revoir celui qu'elle considère presque comme son grand frère lui faisait un bien énorme. Il avait une aura réconfortante, et, cela lui permettait un peu de se détendre, ne réalisant pas à quel point elle était crispée et sur la défensive depuis sa rupture. "Ma Jiwon n'est pas là?" Yale demande avec une petite moue. Elle qui avait si peur de la petite fille au début, elle en était presque déçue de ne pas la voir courir dans ses pattes. "Comment tu vas?"

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    Ces retrouvailles faisaient du bien. Cela faisait une éternité que Yaeil n'avait pas vu Jaesun. Ils se tenaient au courant de quelques banalités parfois, mais c'est vrai que cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus en personne. Peut être que Jaesun voulait laisser Yaeil vivre sa vie innocemment sans la mêler à ses affaires. Et Yaeil, elle, voulait rester loin de Jaesun, toujours inquiète que l'organisation vienne lui causer des problèmes s'il traînait encore avec elle alors qu'elle avait quitté ce gang. Mais aujourd'hui était un autre jour, et Yaeil avait envie, peut être même besoin, de voir son grand frère. Si elle avait une attitude détachée et qu'elle ne semblait pas avoir perdu de la confiance en elle gagnée par sa relation, elle faisait tout pour ne pas faire face à ce grand manque d'affection qui était forcément revenu. C'est pour ça qu'elle l'appelle oppa (et qu'elle ignore ouvertement les remontrances sur le sujet,) qu'elle lui fait un câlin en sachant pertinemment que ça risque de le gêner, et qu'elle prend soin de lui à sa manière (donc avec de la beauté et de l'argent.) Une fois détachée de lui, et rentrée dans son appartement, elle fait comme si c'était chez elle, à hausser les épaules et s'avancer vers le comptoir de cuisine.

    Sans rien demander, Yaeil commence à fouiller dans les tiroirs pour utiliser un couteau pour ouvrir son paquet de viande sous vide, et chercher des épices pour l'assaisonner. "Depuis qu'elle m'a fait de meilleures tresses que je n'ai jamais réussi à faire." Elle répond d'un ton détaché. C'est vrai que Yale était terrifiée par les enfants, elle l'était toujours, mais Jiwon avait contribué à son rétablissement, elle avait été douce, et au final, Yaeil avait appris à l'apprécier. Allumant les plaques de cuissons, Yale dépose la viande sur une poêle et commence à cuisiner. C'est normal chez elle. "Qui te dit que je ne suis pas venue admirer tes muscles?" Elle répond avec un sourire, même si ses yeux ne reflètent pas autant de joie. "Ma nouvelle vie? Elle ressemble fortement à celle d'avant. J'étudie encore, et je passe mes journées seule." Yale se concentre sur la cuisson de la viande, elle sait bien que Jaesun va poser des questions sur la suite. "Mon amoureux m'a plaquée. Mais bon... au moins je peux chercher un nouvel appartement sans avoir à l'attendre." Dit-elle en tournant les yeux vers Jaesun et en esquissant un sourire.

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    Comme si elle était chez elle, Yaeil cuisine. Elle a les steaks dans une poêle et la soupoudre d'épices qu'elle trouve sur le côté. Même, elle arrose la viande avec de l'huile. Elle ne connaît pas tous les recoins des placards de cuisine de son ami, mais elle arrive à trouver de quoi assaisonner ce bœuf délicieux. Et pendant qu'elle le fait, elle décide d'exposer ce à quoi elle pense. Elle n'aurait pas pu le cacher bien longtemps, et puis, elle préférait le faire pendant qu'elle était occupée à autre chose, ça permettait de contrôler les émotions qui pourraient sortir sans qu'elle ne le veuille. Elle esquisse quand même un sourire et se retourne pour admirer les muscles de Jaesun, mais se passe de commentaires. Il n'a pas besoin de savoir si elle aime ses muscles ou non. Et puis, elle préfère surveiller la viande et laver les feuilles de salade qu'elle avait aussi ramené. Mais, après avoir annoncé qu'elle s'était faite larguer, elle ne s'attendait pas à la réponse de Jaesun. Elle laisse la salade dans l'évier et se tourne vers Jaesun les sourcils froncés. "J'ai rien raconté." Yale se défend immédiatement. Jaesun a visé au mauvais endroit. "Je lui aurais jamais raconté. Il ne sait même pas toute l'histoire. Il a juste découvert que j'avais fait partie d'un gang et il m'a quitté, comme ça." Yale le dit, et les larmes lui montent aux yeux. Elle arrive à se tenir en pensant à sa rupture. Le fait de ne plus être avec son ex petit-ami était surmontable, car elle avait toujours prévu que leur relation se finisse à cause de son passé. Mais le fait de n'avoir jamais pu se défendre, d'avoir été immédiatement et sans question jugée par la personne qui ne l'avait jamais jugée... ça, ça c'était ce qui la blessait le plus intensément. "Alors ne dis pas que je lui ai tout raconté parce que c'est pas vrai. J'ai justement rien pu dire." Yale secoue sa tête pour tenter de ne pas laisser ses larmes couler, et elle se retourne, préférant se concentrer sur la viande. "Tous mes efforts ont servi à rien." Dit-elle, et ça, c'est son état général. Fatiguée de s'être battue pour passer outre son passé, et que cela ne serve à rien. C'est ça le pire, plus que la rupture.

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    Involontaire d'étaler tout ça à Jaesun. Elle n'était sincèrement pas venue là pour chercher son soutien. Elle voulait juste de sa compagnie. Mais il avait posé la mauvaise question et elle en était venue à déballer sa vie. Yaeil s'en voulait, surtout après que les larmes aient pointé le bout de leur nez. Mais elle ne voulait pas s'y attarder. Elle préférait se concentrer à nouveau sur sa cuisine. C'est pour ça qu'elle fut bien surprise de sentir Jaesun la prendre dans ses bras. Lui qui n'aime tellement pas les câlins, lui qui a presque tressaillé quand elle l'a salué par un il y a quelques minutes de cela. C'était bien lui qui lui apportait de la chaleur et des mots réconfortants bien que bateaux. Quand il s'écarte, elle s'essuie les yeux et lui offre un sourire touché. Elle est forte, elle est plus forte que ça, il faut qu'elle s'en rappelle. Il faut qu'elle suive ce que l'organisation lui avait apprise. Soutirer des autres pour son bénéfice. Il faut se dire qu'elle a soutiré sa confiance et sa force de son petit-ami, et qu'elle doit les garder pour elle maintenant qu'il est parti. "Je sais que tu as raison." Yale dit en hochant la tête, même si ça fait mal. "L'organisation... ça m'a sauvé la vie. Si je ne les avais pas rejoint, je serais morte. Et s'il ne voulait pas entendre ça... c'est que j'étais trop pour lui." C'était ça qui blessait le plus. Car elle lui avait fait confiance, elle avait cru en lui. Elle savait que leur histoire se terminerait à cause de son passé, mais elle avait commencé à croire que non. "C'est dur. Mais j'essaie vraiment de ne pas trop déprimer. Ce qui est encore plus dur, car c'est grâce à lui que j'ai commencé à croire en moi. Mais c'est un bon test... Je savais qu'il ne supporterait pas tout de moi de toutes façons." Yale en dit peut être trop, mais c'est la dernière chose qu'elle dira à ce sujet. Elle finit de laver la salade et pose les feuilles sur une assiette en même temps qu'elle utilise les ciseaux pour couper les steaks en deux. Elle voit qu'ils sont bien cuits; gris à l'extérieur et encore rouges à l'intérieur, alors elle arrête le gaz. "J'ai oublié de prendre des chips... Tu en as chez toi?" Elle demande alors qu'elle se met à couper la viande en petits morceaux. Elle a ramené de la sauce, des pousses de soja, du kimchi, la salade pour manger la viande, et donc les steaks, mais elle a oublié de prendre des chips pour accompagner le tout. "Ah, et moi aussi je veux bien une bière s'il te plaît!" Elle demande avec un air malin.

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    L'organisation, c'était la maison de tout ceux qui se sentaient rejetés. Yale dit qu'elle serait morte si elle ne les avait pas rejoint, et elle en était convaincue. Seohan n'aurait jamais suffi à combler la peine grandissante de son coeur. Si elle n'avait pas trouvé cette communauté qui lui avait appris à gérer sa peine et la canaliser dans autre chose, elle aurait fini par chercher la mort, elle le sait. C'est une éventualité qu'elle a longtemps contemplé. Mais c'est encore trop intime pour en parler. Elle ne sait même pas si elle l'a déjà dit à Seohan aussi clairement. Mais elle pourrait quand même rejoindre Jaesun en disant que c'est un regret. Car les choses qu'elle a faites avec l'organisation n'ont fait que de la détruire encore plus, et elle aurait aimé trouver une meilleure façon de vivre, que de s'écoper de regrets. "C'est vrai que dit comme ça..." Yale remarque, rejoignant l'avis de Jaesun sur ce coup là. Peut être que ce n'est qu'une leçon pour savoir si le travail qu'elle a fait sur elle même était solide. C'était plus optimiste de le penser ainsi. Et ça donne un vrai sourire sur le visage tremblant de la jeune fille. Elle était si heureuse d'avoir trouvé Jaesun dans sa vie. "Mais c'est dommage. Je l'aimais vraiment. Et... Il était gentil, beau, intelligent... Je n'aurais jamais mieux. Ce qui est peut être pas plus mal. Au moins j'aurais connu le vrai amour avant de finir mariée à je ne sais quel héritier." Yale dit en haussant les épaules alors qu'elle termine de couper la viande.

    Elle se retourne pour fouiller dans les placards. Et elle se dit qu'elle ferait bien de retourner à la grève des sentiments, comme avant d'avoir retrouvé son ex-petit ami. Peut être qu'elle se sentait seul, mais elle avait fini par s'y habituer. La solitude faisait beaucoup moins mal que le rejet. "Ah!" S'exclama Yale alors qu'elle finit par trouver dans un recoin un paquet de chips de riz, ce qui suffirait. Elle place le tout sur la table et s'y assoit enfin. Elle rigole quand elle voit la bière. "Ah, merci! J'avais pas vu." Elle ouvre la bouteille et la porte directement à ses lèvres, avant de manquer de tout recracher car Jaesun la fait rire encore une fois. "Et ça veut dire quoi ça? Je ne vais pas être bourrée à cause d'une simple petite bière!" Dit-elle alors qu'elle n'en boit jamais et n'en connaît pas vraiment les effets. "Et je cuisine très bien! Mais je n'aurais pas besoin de me justifier parce que tu vas gouter. Bon appétit!" La jeune fille déclare, alors qu'elle boit encore un peu de bière, puis qu'elle se sert. Une feuille de salade, dans lequel elle dépose de la salade, de la sauce, et un bout de viande. Elle referme le tout et porte le baluchon à sa bouche, observant Jaesun avec impatience, voulant connaître sa réaction.

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    Bien sûr, Jaesun ne pouvait pas comprendre. Les sentiments de Yaeil étaient complexes, et elle en avait beaucoup trop à son goût. Il ne pouvait pas comprendre la taille du gouffre émotionnel qui vidait Yaeil, et il ne pourra jamais comprendre à quel point leur affection dérangée était un minimum d'affection que Yaeil n'avait jamais connu auparavant. Et c'est aussi pour ça qu'il ne pourra jamais comprendre à quel point son ex-petit-ami avait été compréhensif, et aimant, et que c'était tout ce dont Yaeil avait besoin. Et que c'était donc pour ça qu'elle pensait qu'elle n'aurait jamais mieux dans sa vie. Elle en était persuadée. "Je n'ai pas dit que c'était l'homme de ma vie. J'ai dit que je n'aurais jamais mieux, et c'est vrai. Parce que je crois que je connais l'homme de ma vie... et il est loin d'être mieux." Yaeil dit avec un drôle de sourire. Cryptique, peut être, mais ça fait partie de la complexité de sa vie, et de ce qu'elle en ressent. D'ailleurs, en parlant de sujets compliqués, Jaesun en ouvre un autre, ce qui vaut à Yaeil de froncer les sourcils. Elle a l'impression de passer pour une faible quand il dit ça, alors qu'elle a justement l'impression d'être incroyablement forte à se résigner à ce sort. "Pas besoin d'être combative. Le mariage, d'où je viens, ça sert à rien de toutes façons. Ce n'est qu'un tampon sur un papier." Elle dit avec un soupir. "Et si ça me permet d'avoir un moment où..." Elle allait parler de ses parents. Elle allait dire s'imaginer le jour de son mariage, où ils seraient fiers d'elle, qu'elle obéisse. Elle avait déjà vu la tête de sa mère quand elle avait annoncé qu'elle sortait avec Namsoo, elle avait des étoiles dans les yeux; s'imaginant une descendance brillante. Et Yaeil... elle donnerait tout pour revoir ces étincelles dans les yeux de sa mère en sachant qu'elle en était la cause. Mais ça, elle ne le dirait jamais. Jamais.

    Elle préfère se concentrer sur le repas, chassant vite son expression mélancolique pour un sourire anticipateur. Et un soulagement à entendre Jaesun dire qu'il s'attendait à pire. Evidemment, elle ne comprenait pas la blague. Comme celle d'avant d'ailleurs, elle s'était convaincue qu'elle devait tout faire pour ne pas finir dans le lit de Jiwon. Sirôtant sa bière tranquillement, elle pencha la tête sur le côté. "Le second degré." Yaeil répète, pensive. "J'ai l'impression que Seohan me parle souvent de ça." Elle dit avec un sourire maladroit, montrant qu'elle ne comprenait toujours pas ce que c'était.

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    N'importe qui aurait pu se vexer du ton employé par Jaesun, et de la véracité de ses paroles. C'est vrai, après tout. De la façon dont Yaeil parlait, on pourrait croire qu'elle faisait exprès de se sentir aussi malheureuse, qu'elle aimait ça. L'optimisme, c'était un travail à faire, et oui, elle ne faisait pas beaucoup d'efforts. Mais le fait qu'elle n'ait pas de second degré, qu'elle passe son temps à réfléchir, cela l'aidait aussi à justement ne pas se vexer des critiques qui pouvaient lui être faites. Et à la question de Jaesun, elle resta interdite quelques instants, à le regarder dans les yeux, cherchant la réponse. "Parce que... Je crois que j'ai peur d'être heureuse. Je ne connais tellement pas ce sentiment qu'il me fait peur. Et que... au moins j'ai moins mal quand je suis déçue." Trop de fois elle avait espéré une reconnaissance de la part de ses parents, trop de fois elle avait été déçue. Et ça faisait mal, horriblement mal. Et elle devait forcément mal s'y prendre, car elle continuait d'espérer. Mais si c'était ça le bonheur, de se sentir si bien que la chute était encore plus douloureuse... Elle pouvait se contenter de survivre avec ce mal qui la rongeait... Ce n'était pas sain bien sûr, mais c'était comme ça qu'elle avait justement appris à vivre. Elle se mordit la lèvre quand Jaesun devina ses pensées sur ce sujet d'ailleurs. Parce que lui, comme elle, savaient que même si ses parents étaient fiers d'elle à un moment donné, ça ne comblerait jamais toute l'affection qu'elle n'avait jamais reçue. Mais elle n'avait pas envie de le croire. Car si elle devait espérer quelque chose d'autre, alors elle se sentirait perdue. C'était ce qu'elle avait dit, d'une certaine manière, elle était confortable dans son malheur.

    Donc, changer de sujet, ça ne la dérangeait pas non plus. Elle accueillait sans broncher la pichenette sur son front, elle en était trop habituée à cause de Seohan, et elle regarda Jaesun avec un sourire malicieux. "Et comment on fait alors?" Demanda-t-elle telle une gamine. "Comment je fais pour pas croire au sens propre? Et qu'est ce que tu me proposes pour apprendre à m'amuser? Tu veux qu'on aille à l'arcade?" Demanda-t-elle avec un grand sourire. Ce n'était pas du tout ce qu'il voulait dire, mais elle tentait sa chance dans tous les cas.

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    Les paroles de Jaesun portaient à réflexion. Et Yaeil savait qu'il avait raison. Il fallait profiter du bonheur qu'on lui offrait, sans penser à la chute qui était possible derrière. Et d'un côté, elle avait l'impression que c'était ce qu'elle faisait. C'était peut être pour ça d'ailleurs, qu'elle s'enflammait à la première étincelle. Dès qu'on lui donnait un peu de bonheur, elle s'emportait, et se plongeait dedans jusqu'à s'y noyer. Mais le problème était bien là, c'était que dans sa vie, il était trop éphémère. Elle n'en avait jamais assez pour pouvoir s'arrêter et se dire qu'elle l'appréciait. A chaque fois qu'elle semblait enfin l'accepter, il finissait par s'éloigner d'elle. Peut être qu'elle ne faisait pas assez l'effort, peut être que ses standards étaient trop hauts. Peut être qu'elle devait juste apprendre à se contenter des petits bonheurs qu'elle savait se donner. Car peut être qu'il avait raison encore une fois. Elle n'était pas une fille comme les autres, et elle ne pourrait pas le devenir. C'était trop tard pour ça. Elle avait du sang sur les mains, et son sang perdu dans d'autres mains. Marquée à vie, elle ne pouvait pas voir la vie comme les autres. Mais il fallait qu'elle réussisse à en faire une force. Il fallait qu'elle comprenne enfin qu'elle savait quand même faire du bon, et que sa vie n'était pas que noirceur. Pour la première fois peut être, en observant Jaesun la soutenir, et en réalisant qu'il le faisait depuis déjà longtemps, elle se rendait compte qu'elle s'enfermait peut être en effet trop dans les ténèbres. Elle devrait apprécier ce qu'il faisait pour elle, plus que ce qu'elle aimait déjà. Elle lui offra donc un sourire sincère, un grand, et tenta sur le moment de laisser sa charge mentale derrière elle. "Si, j'en fais des fois. Mais c'est mal de se faire des films?" Elle demanda d'un ton innocent, presque amusé. "Tu veux vraiment pas faire une activité avec moi?" Ils venaient de manger ensemble, parce que Yaeil avait cuisiné pour lui, mais ça ne la dérangerait pas de rester un peu plus longtemps, pour justement apprécier sa compagnie. Elle pointe son doigt vers lui. "Ou alors maintenant que je t'ai nourri tu vas me chasser de chez toi?" Elle demande sur le ton de la plaisanterie.

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    Evidence que Jaesun ne se sentait pas capable de réconforter Yaeil et de lui apporter la stabilité et sécurité dont elle avait besoin. Il avait des amis qui avaient de meilleurs mots, ou une présence plus rassurante. Mais le problème, c'est que Yaeil avait besoin de Jaesun. Elle n'était pas comme les autres. Elle avait connu la mort, celle qu'elle avait infligé, et celle qu'elle avait voulu ressentir plusieurs fois. Quelqu'un d'aussi blessé, avec des cicatrices aussi profondément invisible ne pouvait se sentir rassuré que par quelqu'un qui avait les mêmes. C'était presque un lien imperceptible. Car Yaeil ignorait beaucoup de choses de l'histoire de Jaesun, en réalité, elle ne savait presque rien sur lui. Mais elle avait ce besoin inexplicable d'être près de lui, de le compter dans sa vie. Une compréhension muette qu'ils avaient tous les deux connu la noirceur, et qu'ils étaient donc liés par le lien de la douleur.

    Yaeil offre à Jaesun un autre sourire, amusé cette fois-ci. "Tu dis que je dois apprendre le second degré, mais que je dois être plus terre-à-terre?" Elle continua dans la plaisanterie, juste pour lui montrer qu'elle essayait sérieusement de lâcher prise, comme il avait dit. "C'est à n'en plus savoir de ce que je dois faire." Elle haussa les épaules innocemment.

    Et la jeune femme garda son sourire en voyant que Jaesun ne comptait plus la mettre dehors. Culpabilité ou affection, dans tous les cas, elle n'allait pas s'en plaindre. "Bon j'accepte de dormir ici alors!" Elle continua de le titiller. Jaesun s'alluma une cigarette et Yaeil la regarda avec attention. Comme à chaque fois que Seohan fumait devant elle, Yaeil était tentée de goûter à cette tueuse distinguée, mais était traumatisée par les efforts que son meilleur ami avait tenté de lui inculquer. Elle ne commencerait pas, même si elle en avait envie; il serait trop déçu. Elle tourna donc la tête ailleurs. "J'en sais rien, en réalité. Je ne pense pas qu'on ait les mêmes hobbys, tu fais quoi toi, quand t'es seul?"