fake people don’t surprise me anymore, loyal people do ⊱ super rich kids with so many fake friends ⊱ everybody wants to rule the world ⊱ no one made me, i made me ⊱ “please do not write on this page” — why not ? ⊱ [ a-tel-o-pho-bia ] fear of imperfection, of never being good enough ⊱ we’re so vain ⊱ ¡¡ just do it !! (tomorrow) ⊱ car crash aftermath ⊱ golden tragedy ⊱ how to get away with murder ⊱ small details and photographs ⊱ social media ⊱ never stop looking up up up ⊱ everything is never enough.
☇ “ aux
Oh ! Korea patriotes et engagés succède une nouvelle ère. années 90 et explosion du
phénomène de la kpop (patchwork aux inspirations diverses), de la danse et des
idols ; y'a cette soif de liberté et d'envie de faire passer de nouveaux messages qui prend possession du pays entier, en dépit des critiques sévères de la génération précédente et des échecs essuyés en amont lors de shows musicaux. y'a les modes loufoques qui font rage quelques temps, comme les tenues de ski en plein été en guise d'imitation folklorique des mv, et tant d'autres encore. y'a l'euphorie des fans, qui
frise la folie. à l'origine de la vague, le groupe dont son père est membre goûte à ses dernières années de gloire lorsque naît neoma. le temps que le gosse soit en âge d'assimiler, le groupe a déjà
disband et papa se consacre après deux années de silence à lancer une carrière solo un peu expérimentale : rock alternatif, rap rock, nu metal. il a moins de succès mais
appartient encore à ses fans, et son couple encaisse cette réalité de plein fouet au point de voler en éclats. leur
oppa est à elles — pas à
l'étrangère. il n'est plus homme mais symbole, et neoma a beau tendre les doigts, il n'atteint que difficilement cette entité. à travers les émissions tv qui se multiplient, il persiste à
chercher son père ; et
à travers la danse, il marche sur ses traces. c'est une course constante, mais il adore. l'érige en modèle, en sort
battant. quand son père est présent, même si ces moments sont rares, il est
un bon père. le meilleur.
☇ “ entouré mais seul, populaire et émotionnellement isolé. neo tout en contrastes, en illusions-désillusions, en hype irrémédiablement suivie de crashs. il a l'air
heureux et comblé. c’est le “fils de”, l’ami riche qui se propose pour payer les tournées, les resto, les cadeaux… c’est le pote pratique qu’on invite pour se faire voir, se hisser par son biais — jusqu’à
marcher sur ses décombres. il a droit à ça
longtemps sans trop s’en plaindre, parce que l’argent avilie les relations et qu’“un peu” reste mieux que “rien”. même si l’isolement le rattrape à coup sûr, tôt ou tard : les amitiés factices se font cendres lors des
down — et puis, difficile d’assumer les moments où tout va mal, lorsque la moindre info trop personnelle est vouée à être révélée “par une source proche demeurée anonyme”, pour être décortiquée et livrée au public. alors
neoma va bien, tout le temps, même quand c'est pas le cas.
☇ “ neoma a
14 ans quand vega, dongil et yerim entrent dans sa vie comme une bourrasque, bousculant les pseudo-amitiés creuses et vaines pour combler le
vide, de leurs rires, jusqu’à le muer en épanouissement. avec eux, il apprend à
faire confiance, neo (et quand les requins se glissent jusqu’à l’intérieur de la sacro-sainte cellule familiale, c’est précieux, de pouvoir
compter sur quelqu’un). vega fugue un jour, l'inquiétude ronge, ils l'engueulent de n'avoir rien exprimé de sa peine. alors il parle. puis ça revient souvent : il mentionne la capitale et ce qu'il a laissé là-bas. ses potes d'enfance, sa famille, ses projets ; entre deux parties de basket, il s'imagine y retourner un jour et y concilier ses deux vies. ils sont pas contre, les autres. se renvoient la balle en imaginant des anecdotes futures. et neo, c'est pas qu'il n'aime pas sa Busan constellée de bâtisses colorées enclavées dans les montagnes, ses étés rythmés de festivals, ses milmyeon sur-épicés, la douceur du climat. c'est juste qu'il a
toujours voulu partir, voir au-delà. ils ont la vie devant eux et des
plans sur la comète, une complicité à toute épreuve pour mieux encaisser la pression infligée aux lycéens ; les sorties de cours à 22h, les classements de notes affichés à la vue de tous, les heures de rab aux hagwons dans l'espoir d'accéder à l'uni de leurs rêves.
☇ “ 14, 15 ans, c'est assez pour prétendre être adulte, mais pas assez pour l'être. dans la marée de chaebol parmi lesquels sa grand-mère l'a trainé, il n'est qu'un
super rich kid en costard chic de plus, à ponctuer les réseaux d'aes luxueux pseudo-parfait, pour rendre enviable une soirée monotone. et y'a cette fille quelques tables plus loin, le menton dans une main, le téléphone dans l'autre et l'ennui tatoué sur les traits.
liu ame, il l'apprend un instant plus tard. son feed insta résonne de façon familière : du beau, du superficiel, {#}
vismavieaisée{/#}. neo scroll, scroll, suspend le geste à chaque post plus personnel.
à travers les clichés, vidéos, commentaires, tags, elle lui tire des sourires —
(
follow).
il cherche son identité sous la surface. la trouve non pas à travers l'écran pourtant, mais à même son regard, lorsqu'il lève les yeux et la surprend à le fixer curieusement. retour à l'écran, elle prend son temps.
le sablier s'égraine, minutes qui s'enchainent — et puis elle s'abonne en retour.
premiers mots échangés en DM :
on se tire ?☇ “ il a
15 ans et la toile regorge d'instagramers populaires mais il semble que les followers adorent ça, dénicher des visages à aimer à travers le prisme déformé des semi-mensonges virtuels. il n'a pas la vie rêvée, mais peut le faire croire à condition de trouver
le bon angle. son sport, ses potes, l'étalage d'opulence, les touches de générosité, existence vouée au succès. après ame vient raden — c'est marrant, comme les gens peuvent aimer voir leurs baes interagir via des posts, des s/o. c'est un peu surjoué au début, pour s'amuser de l'attention amplifiée des deux côtés ; et progressivement, ça sonne plus réel.
☇ “ il a
16 ans au
remariage de son père. s'essaye à un chantage affectif inutile qui ruine les vacances d'hiver qu'il est supposé passer chez son géniteur :
puisque tu ne jures que par elle et ses gosses de toute façon, j'arrête la danse. c'est leur unique lien, mais sans un temps de pause l'autre s'agace :
alors arrête. ça ne marche pas et il le sait, qu'on ne retient pas les autres quand ils ne veulent rien voir, quand le jeu est perdu d'avance. mais il insiste quand même :
si elle reste chez toi pour les vacances, c'est moi qui pars. son père réplique :
alors va-t'en. ils le regrettent aussi sec mais sont trop similaires : têtes-brûlées, têtes butées. son vieux n'ose pas lui dire de rentrer, et lui n'ose pas demander à revenir. il brave la morsure du froid et les crocs vicieux de la faim et tend la main tandis que les passants détournent la tête en prétendant ne rien voir. c'est un peu une chance qu'on ne le reconnaisse pas sous ses couches encombrantes de vêtements, mais il redécouvre le monde — du point de vue des démunis. ça le chamboule, même quand les potes le récupèrent et lui filent un bout de canapé avant son retour chez sa grand-mère. bilan nul : la
marâtre a vaincu et le
monde extérieur est triste parfois, il est moche pour les pauvres et neoma s'en veut d'avoir
autant.
☇ “ il a
20 ans, c'est la
fête de trop.
octobre 2017, 20 ans et l’invincibilité au bout des doigts, les phalanges lâches sur le volant, mues par une assurance arrogante. insouciance de presque-adultes trop certains de leur immortalité, innocents dans l’assurance de leur toute puissance ; quatre mômes alcoolisés livrés à la
perte de contrôle d’un conducteur venu en face. réflexes annihilés, temps de réaction allongé, distance d’arrêt non maîtrisée — et l’univers qui s’effondre quand la douleur vrille la colonne jusqu’à insensibiliser les jambes, ou pire encore : quand yerim, propulsée par le choc traverse l’habitacle et fend le pare-brise, de son corps de poupée désarticulée.
☇ “ s'en suit la
réédu-calvaire. neo serre les dents, vega à ses côtés à chaque instant. il est habitué à pousser au-delà de ses limites, neoma, mais son horizon s'est fracassé avec ses projets d'avenir et, à chaque fois qu'il mange le sol faute de tenir correctement debout, il revit encore et encore la sensation d'avoir
perdu la danse pour de bon. trois mois s'écoulent — intensifs, à se surmener pour retrouver ses bases. puis viennent les marches quotidiennes, le vélo, et les séances de piscine hebdomadaires. il s'y donne à fond pour ne pas songer à sa réorientation forcée et, surtout, il apaise
son désarroi et sa culpabilité en soutenant à son tour un vega qui craque et qui s'détruit. vega, qui jure que c'est pas de sa faute, tout ça ; mais ça ne passe pas, neoma ne peut que s'en vouloir de les avoir tous
bousillés.
et puis yerim…
yerim qui ne reviendra pas.
en
avril vega se barre sans crier gare. les messages restent sans réponse mais c'est une évidence : il est retourné à séoul, pour sûr. neo blâme le craquage, lui cherche des excuses ; c'est moins pesant que de songer qu'ils les a laissés en plan, dongil et lui, dans la foulée.
☇ “ il a
21 ans quand il intègre la SNU. son père est hospitalisé à séoul, cloisonné derrière un entourage qui affirme qu'il terrassera le cancer, alors même que les médecins sceptiques annoncent à la famille un pronostic plus obscur. c'est
dur d'accéder à cet homme trop entouré, de renouer ; y'a un testament en jeu, dont les enfants biologiques ont été effacés, et neoma sait bien que l'enjeu est de les garder à l'écart pour éviter tout risque que le non-partage de l'héritage soit modifié en dernière minute. y'a aussi vega à séoul, neoma qui s'accroche à la certitude de pouvoir reconstruire les ponts brisés. et puis, y'a moins l'ombre de yerim à séoul. elle demeure dans ses pensées parce qu'elle
aurait dû être là avec eux ; mais son image-mirage est moins omniprésente aux coins de ces rues qu'elle n'a pas eu le temps de fouler. et le poids sur la poitrine s'atténue un peu, et neoma peine un peu moins à sourire pour deux. et la capitale, c'est aussi ame. c'est aussi l'illusion d'être invincible sous les feux des attentions, flanqué de trois comparses virtuels devenus brutalement tangibles.