Le 15 octobre 1995 était une journée sombre. Une tempête avait été annoncée, tout le monde devait rester chez soi, mais tout le monde ne le pouvait pas. En effet, une jeune femme s'apprêtait à donner la vie. Son mari la conduisit dans une clinique privée, pas qu'ils aient les moyens, non, mais c'était la plus proche de leur domicile. Dans la nuit, aux alentours de 22h30, le bébé avait fini par pousser son premier cri, accompagné par les grondements de l'orage qui s'exprimait à l'extérieur. Une forte euphorie avait envahi la petite chambre de la maternité, et même si le sommeil n'avait pas gagné les heureux parents de la nuit, le bonheur les faisait tenir debout.

Le petit Han Seong était né, ce soir de tempête à Daegu. Il vécut ensuite ses 5 premières années comme un enfant normal, entouré de l'amour de ses parents. Sa mère avait arrêté de travailler pour s'occuper intégralement de lui, tandis que son père avait trouvé un travail dans les affaires. Il avait de fortes possibilités d'évoluer et rapidement, porté par l'espoir d'enrichir sa famille il faisait des heures sans jamais les compter. Après 5 années d'évolution dans son entreprise, Han Jun avait enfin atteint son but : décrocher un poste de PDG à Séoul. Sa mutation impliqua bien sûr un déménagement sur place, c'est ainsi que sa femme, son fils et lui emménagèrent dans un grand appartement de la capitale.

Une année passa, l'homme travaillait toujours plus, laissant femme et enfant de côté, n'ayant plus une minute à leur consacrer. Alors oui, les soucis financiers n'existaient plus, mais l'amour que portait la jeune femme à son mari avait fini par s'évaporer. Lorsqu'elle demanda le divorce, l'homme fit en sorte d'obtenir la garde complète de leur fils, sans grande difficulté. Son enfant, jeune et curieux, ne comprenait pas la situation. Dans un premier temps, il se tue et essaya de ne pas déranger son géniteur, mais bien vite ses questions le rattrapèrent. Il voulait savoir pourquoi, pourquoi sa maman était partie ? Pourquoi il ne pouvait la voir que lors de visites trop courtes à son goût ? Pourquoi était-il si seul tout d'un coup ?

Han Jun n'avait jamais été un homme très patient, mais depuis qu'il consacrait tout son temps à sa réussite professionnelle, il avait perdu le peu de patience dont il savait faire preuve. Se voilant la face, il estima que son fils était la cause de sa séparation et ne se gêna pas pour lui faire comprendre. Agacé par ses questions incessantes et dans un excès de colère, il finit par le frapper. C'était la première fois qu'on levait la main sur Han Seong, qui n'avait alors que 6ans. L'enfant se fit le plus discret et obéissant possible, mais ça ne suffisait plus et les maltraitances continuaient, son père avait changé et il ne redeviendrait jamais comme avant.

Apeuré, il n'en parla jamais à sa mère qui ne vit rien puisque les marques n'étaient pas laissées à la vue de tous. Jusqu'à ses 15ans, le garçon dû supporter les humeurs de son père, qui n'avait de cesse de se défouler sur lui, le ruant de coups. Un soir, alors qu'il était ivre mort, l'homme d'affaire aperçu son fils rentrer trop tard à son goût. Il n'en fallut pas plus pour qu'il le frappe une énième fois, mais cette fois-ci il ne fit pas attention et lui abima le visage. A l'école, l'adolescent prétendit qu'il était tombé. Même s'il avait essayé de mentir dans un premier temps, les contusions sur son visage ne trompèrent pas sa mère : ce n'était pas dû à une chute. Face à la réalité, il ne put plus retenir ses larmes. Cela faisait trop longtemps qu'il supportait sans broncher, apeuré à la fois pour lui et pour sa mère qui aurait pu être victime s'il avait parlé.

A partir de la révélation de ce secret, la vie de Han Seong changea. Il fut enfin libre d'aller vivre chez sa mère, où l'attendait un beau-père et une petite sœur qui avaient hâte de passer plus de temps avec lui. Il avait enfin retrouvé la chaleur d'un foyer, accompagné dans sa reconstruction par plusieurs psychothérapeutes. Les années passèrent et sa confiance en lui refit surface, cependant il avait développé une phobie un peu particulière puisqu'il ne supportait plus qu'on le touche. Bien sûr, il gardait d'autres séquelles psychologiques de cette enfance bafouée, mais il préférait les garder pour lui.

Toutes ces années passées aux côtés de son bourreau, avaient forgé une carapace autour du jeune homme, dans laquelle il ne laissait pas entrer grand monde. Il s'était réfugié depuis tout ce temps dans la lecture et l'écriture, ses thérapeutes l'avaient d'ailleurs encouragé à continuer à s'exprimer par l'écrit. Avec le temps, il avait arrêté de voir les médecins, gardant les pages blanches comme seule thérapie. Vous voulez connaître les sentiments de ce jeune homme ? Essayez donc d'attraper une de ces pages.