Elle ne se sent pas très bien aujourd’hui. Elle a le visage pâle des mauvais jours, de ceux qui suivent les nuits sans sommeil. Elle ne va pas bien mais elle veut pas le montrer, elle sourit juste pour éclairer son teint un peu gris. Elle sourit juste pour faire oublier ses joues ternies. Elle sait aussi qu’elle n’ira pas bien demain. Et les jours d’après. Jusqu’à ce qu’elle s’habitue. Peut-être qu’elle ne s’habituera pas. Noam va partir aujourd’hui, sans elle, pour la première fois. Ce n’est pas pour toujours, mais un semestre ça sonne un peu comme l’éternité. Pourtant elle se contente de sourire en sachant qu’elle a l’air triste et que ça sert à rien, un peu paumée au milieu des valises.
Quand on y pense, cette scène elle la connait par cœur. Des sacs et des bagages qui s’amoncèlent au milieu de leur chambre, ces relents d’anxiétés mêlés à la naphtaline des placards qu’on retourne. C’est qu’elle a voyagé Ingrid, ça fait longtemps qu’elle n’a plus peur de l’avion. Elle ne marchait pas encore que ses parents l’avaient déjà entrainés dans leur sillage. Entre les tournées et les voyages, les enfants Yang peuvent se vanter d’avoir vu du pays, et Ingrid met une pointe d’orgueil à le rappeler. Elle a grandi nulle part et partout à la fois. C’est un peu sa fierté, une manière comme une autre de se rendre intéressante auprès des gens. Ça marchait bien à Los Angeles, ses copains de classe étaient toujours avides d’écouter ses histoires. Comment elle avait visité l’Amérique du Sud et vu Paris depuis le sommet de la Tour Eiffel. A l’école, elle adorait raconter tout ça, fait des exposés et montrer des photos. Ça la rendait un peu exotique, un peu unique. En Corée, ça ne soulève que de l’indifférence. Ici elle est devenue comme tout le monde, et encore. C’est probablement pour ça qu’elle déteste à ce point l’école ici.
Aujourd’hui c’est pas pareil. Elle, elle ne part pas. Y a pas d’effervescence dans la maison, juste une drôle de mélancolie, comme si tout le monde retenait son souffle, comme si tout le monde guettait l’instant où il sera partit. Parce que chaque mot, chaque regard, chaque sourire est devenu un au revoir. Ingrid supporte plus. Elle sort de la chambre encombrée d’un pas lent, descend vers la cuisine. Leo est là avec leur mère. La brune ne dit rien, elle s’assoit juste en face de son frère et croise les bras sur la table pour y enfouir sa tête. «
Ça va pas Ingrid ? » Sa mère n’a même pas besoin de se retourner pour deviner. «
C’est que quelques mois tu sais ? Il ne part pas pour toute la vie. –
J’sais bien. » Leo ricane, Ingrid s’énerve. Sa désinvolture la rend folle, mais elle ravale ses mots aussi vite qu’ils ne roulent sur sa langue, elle veut pas que Noam entende. Puis elle sait bien que son frère est triste aussi. Ses épaules se haussent, elle fixe un point sur le mur devant elle pour pas fixer Leo. De toute façon ça sert à rien de s’engueuler avec lui aujourd’hui. La main de sa mère effleure son cou et la brune sursaute, cambre un peu le dos sous la caresse. Elle sait que sa mère essaye de lui parler, mais elle n’a pas envie de répondre. Elle est toujours comme ça Maman, quand un Yang va mal. Ingrid le connait trop bien ce ton concerné. Elle l’a entendu plus d’une fois.
«
Tu sais Ingrid, c’est pas grave d’échouer, le principal c’est que t’apprenne de tes erreurs. » C’est Papa, et sa voix chaude, réconfortante – elle tremble un peu, mais il est doué pour le cacher. Elle pleure dans le salon, froissant entre ses doigts le relevé de note qu’elle vient de recevoir. Dessus, on a tamponné en gros et en rouge «
défaillant ». C’est ce qu’elle est, défaillante. «
Ce n’est qu’un diplôme, une toute petite année à recommencer, c’est rien un an tu sais. » Elle secoue la tête, intérieurement elle boue. Ils sont que tous les trois dans le salon, son père, sa mère et elle. Ses parents ont fait comprendre aux trois autres qu’ils feraient peut-être mieux d’aller voir Mimi. «
Vous ne venez pas ? –
On doit parler un peu avec votre sœur. » Maman a froncé les sourcils pour enrayer les questions qui suivraient naturellement. Ingrid n’a pas envie de discuter elle. Elle tremble sur le canapé, raide et ratatinée. «
Vous trouvez pas ça grave vous ? » La feuille s’agite entre ses doigts, elle se retient franchement pour ne pas la déchirer. Sa rage déborde cette fois. «
Je déteste ce pays. Je le déteste tellement. J’veux rentrer. » C’est la première fois qu’elle le dit à haute voix, pourtant elle le pense depuis longtemps. Depuis le jour où elle a mis le pied ici pour y vivre. La Corée, c’était bien pour les vacances, l’été, avec les Lee, avec Mimi, avec les copains. Etre Coréen, ce n’est pas pareil. Elle n’a jamais aimé l’école Ingrid, déjà à Los Angeles, les maths, l’anglais, ça l’ennuyait. Comment on peut se contenter d’une vie si sédentaire après avoir passé son enfance à explorer le globe ? Mais en Amérique au moins, elle était considérée comme une entité individuelle, pas comme un grain de sable sur la plage. Elle se moque du rôle qu’on veut qu’elle tienne dans la société. Défaillante, parce qu’elle n’a pas pu décrocher son diplôme de fin de secondaire. Elle n’a pas eu de place à l’université. Inadaptée. «
Ingrid. » Le ton de sa mère se fait plus dur, mais elle n’écoute plus. Ses pupilles détaillent le vide. Elle se dit qu’elle le mérite, c’est pas comme si elle avait fait des efforts. Les diplômes, la fierté des parents, ces cérémonies stupides, ça l’a jamais fait rêver, contrairement à ses camarades. Ingrid elle veut jouer, briller devant une caméra. Elle supporte plus d’être transparente, et elle avait réussi à cesser de l’être. Elle existe pour sa médiocrité à présent.
En classe, Ingrid rêvasse, elle récite silencieusement des rôles qu’elle a appris par cœur. Des scènes se jouent dans sa tête, elle répète secrètement sous les gradins. Des heures à travailler, à mimer, à travailler, à flipper à des auditions, même les plus minables. Elle a sué de décrocher un rôle, un bout de rien, deux lignes dans un drama. Elle s’est entêté malgré les avertissements et les jugements. «
Ingrid, tu penses pas que t’as plus l’âge de rêver de ça ? Tu penses encore que tu feras carrière à Hollywood ? –
Ta gueule. –
Tu devrais commencer à réfléchir à un plan B, préparer des concours, entre à l’université. –
Pour quoi faire ? » Et le résultat, c’est cette feuille entre ses doigts, et sa boite vocale ridiculement vide. On l’a jamais rappelé. C’est à vomir. La déception et la honte lui colle la nausée au bord des lèvres. Elle avait tellement espéré Ingrid, elle se disait qu’elle leur clouerait le bec, aux blancs-becs de sa classe. Qu’un jour, elle sera actrice et ils se presseront à dire qu’ils l’ont connu. Elle en pleure de rage, elle a perdu. La main de son père caresse ses cheveux, elle renifle. «
On va trouver une solution ok ? Tu ne peux pas rester comme ça, on va reprendre à zéro. » Sa tête dodeline, elle acquiesce, essuie ses larmes d’un geste pressé et maladroit. «
Maman et moi, on va t’aider. –
Vous direz pas aux autres que j’ai pleuré, pas vrai ? »
Ingrid a très envie de leur demander s’ils peuvent rentrer à Los Angeles. C’est pas ici chez elle, c’est pas la Corée sa maison. Mais y a Robyn, y a Noam, y a Leo, et ils sont heureux ici. Du moins, ils ont l’air d’être heureux. La brune semble être la seule à regretter la Californie. La seule qui dès le début, ne s’est pas réjouie de venir s’installer à Séoul. Mais elle a rien dit à l’époque, pour
lui. Elle ne dit jamais rien quand c’est Noam, elle aurait pas pu de toute façon. C’aurait été comme nier qu’il était malheureux. Ingrid a rien dit par loyauté. Elle a souri comme elle sourit aujourd’hui, l’air calme et un peu déterminé. Il ira mieux s’il part. Il sera mieux là-bas, c’est ce qu’elle a pensé à l’époque. C’est ce qu’elle se force à penser encore une fois. Peu importe qu’elle soit triste ou solitaire, peu importe que ses copains d’avant lui manque. Elle devrait être heureuse Ingrid, elle a ses parents, et ses frères, et sa sœur. Elle se sent ingrate et égoïste, alors elle se tait pour cacher ses idées qu’elle croit saugrenues.
Elle s’en fait pas pour lui. Noam est grand, elle sait qu’il s’en sortira bien tout seul. Les Yang, c’est des gamins débrouillards, ils l’ont toujours été. Soudés mais indépendants. C’est comme ça qu’ils ont été élevés, on leur a appris à être curieux, tolérants, des grands quoi. Ingrid elle le sait, que Noam est un grand, comme elle. Mais la jeune fille a peur du vide qu’il va laisser. C’est l’idée d’être trois qui semble si peu naturelle. Même si Leo est arrivé après, c’est comme s’il avait toujours été là. Gamine, elle le cherchait instinctivement sur toutes les photos, même celle d’avant sa naissance. Ne pas le trouver la perturbait. «
Pourquoi Leo est pas là ? –
Il est dans le ventre de maman Ingrid, tu le vois pas ? Regarde là. Son père pointe le ventre de Maman, un peu bombé, du bout de l’index.
–
Il se cache ? –
Il grandit. »
Ils ont toujours été ensemble, les enfants Yang, ils partagent les mêmes souvenirs. Mais Noam va partir, et Ingrid fait semblant d’accepter pour qu’il ne soit pas trop triste. Elle sourit pour qu’il ne devine pas la tempête qui se déchaine dans son cœur. De toute façon, elle sait bien qu’il en a besoin, ça lui fait juste mal de réaliser qu’elle ne peut pas toujours le consoler. Parfois l’écureuil est impuissant face au chagrin de sa loutre.
◊◊◊
«
Il est mignon non ? » Ingrid est accroupie dans le gazon, les mains brunes de terre et sa jupe toute froissée. «
Moi je le trouve répugnant. » L’autre petite fille fronce le nez et recule d’un pas. «
Tu dis n’importe quoi, c’est méchant. Il va être vexé. Pousse toi. » Elle pousse sa sœur sans ménagement et se penche pour attraper le crapaud entre ses mains. «
Regarde il est gentil. » Son pouce effleure le crâne de l’animal, pétrifié entre ses paumes. «
J’vais le dire à Maman. . » Piaille Robyn en se relevant. Elle court vers la maison et abandonne sa cadette à son batracien. Elle adore les amphibien Ingrid, les bestioles qui grouillent ou qui dégouline, ça la passionne. «
Ingrid, tu as poussé ta sœur ? » Sa mère la hèle depuis la fenêtre. «
C’est pas vrai ! Elle est tombée toute seule ! » Braille la fillette en levant l’énorme crapaud vers elle. «
Maman je peux le garder ? –
C’est sale mon chat, relâche-le et vient laver tes mains. » La brune fronce le nez, comme à chaque fois qu’elle est contrariée. Elle hésite, caresse la bête, avant de faire quelques pas vers un bosquet pour l’y déposer. «
L’écoute pas ma sœur, moi je t’aime bien. » Elle murmure, avant de courir vers la maison.
Elle ne sait pas pourquoi elle repense à ce crapaud ce jour-là, elle l’avait presque oublié. Pourtant dieu sait les heures qu’elle avait passé à le guetter, couchée dans l’herbe jusqu’au crépuscule, dans leur jardin de Los Angeles. Les mots de sa sœur résonnent dans son crâne. «
C’est répugnant. » Elle est prostrée sur sa chaise, perdue dans le brouhaha du gymnase, et elle a l’impression de comprendre cet amphibien tout à coup. On lui passe devant sans la regarder, si ce n’est en fronçant le nez. Ingrid, c’est l’élève transférée, c’est celle qui repique sa dernière année. C’est la défaillante. Même ses parents sont à l’écart des autres. Papa tient maman contre lui, et ils la regardent. En fait elle a l’impression que tout le monde la regarde, tout le monde attend qu’elle échoue une deuxième fois. Ça serait assez naturel finalement. Elle a fini par le croire en tout cas, pourtant, elle a travaillé très fort cette année. Enfin, son nom résonne dans le micro. «
Yang Ingrid, reçue avec mention. » Elle cille, reste clouée à sa chaise, et ses doigts viennent froisser sa jupe. Ses parents sont les premiers à applaudir, suivit d’une timide salve, mais elle ne se lève toujours pas. Jusqu’à ce que son voisin ne la pousse. Mécaniquement, ses jambes la mènent jusqu’à l’estrade, on lui tend son diplôme, on la félicite. Elle dit merci, mais elle reconnait à peine sa voix, elle pense seulement à ce fichu crapaud dans son bosquet, et elle se dit qu’elle lui ressemble.
«
Tu vas faire quoi après ? » Elles sont couchées sur le lit d’Ingrid. Une grande et une petite qui fixent le plafond, les cheveux enchevêtrés. «
Je sais pas. » La plus âgée mordille l’ongle de son pouce. «
T’y as pas réfléchi ? » Son ton se fait un peu plus impatient. « Tu sais bien que si, mais j’sais pas. » Elle roule sur le lit pour faire face à Kaede. «
Tu vas vraiment aller à la SNU ? » Elle a déjà posé la question au moins trois fois, elle connait déjà la réponse, mais elle veut être sûre. «
Je voudrais qu’on soit ensemble. » Un gloussement résonne dans la chambre silencieuse. Ingrid a aucune raison de sourire, pourtant, son visage tout ronde s’est éclairé. Elle se dit que c’est ironique, après avoir passé l’année seule, d’avoir rencontrée Kaede au bal de sa promotion. C’est bête, mais on dirait qu’elle a toujours été là. La Yang trouve que ça ressemble au destin, et ça lui plait. C’est un peu sa première vraie amie depuis qu’elle est en Corée. La première qui a l’air de s’en foutre qu’elle ait fait deux fois sa dernière année. Elles sont différentes, ridiculement différentes, mais ça les rend presque complémentaires. Ingrid aime Kaede. «
Je crois que je vais reprendre les auditions. » Elle lâche le morceau d’un ton neutre, mais le doute perce sa voix. C’est la première personne à qui elle fait part de son idée. Un an qu’elle n’avait plus mentionné l’idée de devenir actrice, un an qu’elle s’était résignée à abandonner tout espoir et à se construire une vie stable. Vide, mais stable. Mais faut se rendre à l’évidence, ça lui manque, elle ne se sent pas entière Ingrid. Juste lâche. Elle déglutit, enfouissant son visage dans son coude. Elle a un peu peur de sa réaction. La brune est pas sûre de trouver le courage d’essayer encore si on lui dit que c’est sans espoir. «
D’accord. » Le silence tombe, la Yang froisse les draps entre ses doigts. «
D’accord ? –
Qu’est-ce que je devrais dire d’autre ? Si tu veux le faire, alors vas-y ? » Ingrid se redresse lentement, passant des mains dans ses cheveux ébouriffé d’un geste habitué. «
Tu dis ça sincèrement ? » Son regard se pose sur le visage de son amie, Kaede se contente d’acquiescer. Une boule de gratitude gonfle dans sa poitrine, elle sourit. Son cœur est plus léger soudain, parce qu’elle venait de lâcher un gros morceau, un chagrin qu’elle cherchait à cacher, trop honteuse jusqu’ici de pas rentrer dans les rangs. «
Tu viendras m’encourager hein ? » Son corps se détend un peu, elle retombe sur l’oreiller en riant vaguement – parce que c’est drôle à voir, ses jambes si courtes parallèles à celles de l’immense Kaede. Elle se dit qu’elles se complètent bien finalement, et elle repense à ce crapaud, et sa propre voix qui dit «
moi j’t’aime bien. » Elle a trouvé ce quelqu’un qui l’aime bien, et Ingrid, dans son rôle de crapaud, elle trouve ça drôlement chouette.
◊◊◊
Elle a les phalanges blanches et les poings serrés. Un mélange de rage et d’exaltation dans la gorge, elle rigole mais refoule ses larmes. Noam est là, avec son air mutin et peut-être un peu trop fier de sa blague. Y a un genre de torpeur qui s’est abattu sur la terrasse, noyée l’instant d’avant dans un brouhaha familier. Elle est sûrement la première à se levée, même si pour le coup, elle ne réalise pas vraiment ce qui se passe autour d’elle. Il devait revenir demain, elle le sait bien, elle a compté les jours, et même les heures. Mais il est là, en vrac devant eux, ça se voit qu’il s’est dépêché. Ingrid a envie de sourire – parce que la blague est drôle, mais elle ne pense pas à ça tout de suite, elle se marrera plus tard. Au lieu de ça, elle s’approche juste d’un pas lourd, le visage si fermé, le cœur tellement gonflé qu’elle fait plus la différence entre la rage et le soulagement. Elle se demande même si elle ne va pas le frapper. Il le mériterait. Mais son poing reste clos au bout de son bras raide, elle s’avance juste, hésite, oscille. C’est bizarre de le voir, elle a l’impression que ça fait une éternité, d’avoir oublié son visage. Son sourire est resté le même pourtant. Ça fait du bien de le revoir, en photo c’est pas pareil. Elle se sent timide tout à coup. C’est stupide, d’être pudique devant Noam, elle le sait bien. Puis l’air entre enfin dans ses poumons, son cerveau s’oxygène un peu, et Ingrid réalise.
Noam est rentré. «
Espèce de… » Elle finit pas sa phrase, l’insulte meurt au creux de l’épaule de son frère quand elle tombe dans ses bras. L’écureuil a retrouvé sa loutre. Ils fondent en larme, parce que c’est ce qu’il y a de plus naturel dans cette situation.
«
Noam, pourquoi t’es parti ? » Ils sont à la librairie de leur père, assis dans une allée, en vis-à-vis l’un de l’autre. Ingrid fait semblant de lire, mais la vérité, c’est qu’elle ne peut pas se concentrer. La question lui brûle les lèvres depuis trop longtemps. Trois fois qu’elle parcourt la même tirade – elle s’est mise à lire du théâtre – sans comprendre le sens des mots. «
Pourquoi tu veux savoir ? » Elle pose son ouvrage sur ses cuisses pour regarder son jumeau. «
Je veux savoir si tu vas bien. » Elle y a réfléchi pendant son absence. Elle sait qu’il n’est pas parti sans raison. Il doit y en avoir une. Il a eu beau lui raconter ses aventures là-bas, ce qu’il a vu, ce qu’il a fait, il manque un truc, une raison, une réponse à la question
pourquoi ? «
Ingrid ? » Y a un genre d’hésitation dans sa voix, quelque chose qui lui fait dire que c’est sérieux. Par instinct, elle referme le livre pour lui donner toute son attention. «
J’aime un garçon. » Il précise
un garçon, comme si ça avait de l’importance, et la jeune fille fronce le nez. Pas une fille. Pas quelqu’un.
Un garçon. Un vague silence passe sur la boutique, le type de blanc qui suit une révélation. L’ainée des jumeaux contemple son frère. Elle est surprise, mais bien incapable de décrire ce qu’elle éprouve. En fait elle ne se sent pas différente que quand il lui avait annoncé qu’il voulait essayer de sauter du toit. C’est pas bizarre, c’est Noam, ça lui ressemble. Quelque part, elle est un peu jalouse, envieuse. Elle aussi elle aimerait bien aimer quelqu’un. Puis elle pense au reste, son cœur cogne un peu plus fort contre ses côtes. Est-ce que ce garçon l’aime aussi ? Est-ce qu’il ne va pas lui briser le cœur ? Les autres, ils diront quoi ? Pas leurs parents, pas Robyn et Leo, les
autres, les amis, la famille. «
Il est beau ? » La question est rhétorique, elle veut juste dire quelque chose, ne pas le laisser sans une réponse. Elle réalise que si elle était à sa place, elle haïrait un tel mutisme. Ingrid pousse sur ses mains pour venir se caler contre l’étagère opposée, à côté de son jumeau. «
Si t’aime un garçon alors je resterais la seule femme de ta vie, pas vrai ? » Elle rigole et glisse son bras autour de celui de son jumeau, les joues un peu roses. Elle se sent toujours pudique quand il s’agit de montrer un peu d’affection. Son front vient buter contre la tempe de son cadet, dans une tentative aussi tendre que maladroite. «
Tu me le présenteras ? » Elle sourit mais ne demande pas de détails. Si Noam avait voulu en parler, il l’aurait fait de lui-même, elle n’insiste pas. C’est son frère, elle a confiance. Il est grand maintenant, et elle aussi – si on veut. Elle sait qu’il ne donnerait pas son cœur à n’importe qui. «
Tu iras bien n’est-ce pas ? » Ils iront bien maintenant non ? Comme avant qu’il ne s’en aille, comme quand ils étaient gamins. Ils sont de nouveau deux après tout – de nouveaux quatre. Alors Ingrid elle se dit que ça ira forcément, parce qu’il n’est pas tout seul. C’est son petit égoïsme à elle. L'insouciante ne dit rien, elle pose sa joue contre l’épaule de son frère et rouvre son livre. Elle retient juste que son frère aime
quelqu’un, et Ingrid se sent fière de lui. Fière d’être sa sœur.
Elle adore les amphibiens et les rongeurs. ✪ Elle se considère comme moins jolie que Robyn ou Kaede. ✪ Elle aime venir lire à la librairie de son père. ııı Elle a repiqué sa dernière année de lycée. ✪ Los Angeles lui manque. ııı Elle adore raconter ses voyages. ✪ Elle n'a jamais eu de petit ami. ✪ Son père était une rockstar à la retraire. ✪ Elle porte le nom de sa mère. ✪ Elle trouve lâche l'idée de pas aller au bout de ses rêves. ✪ Elle a peur de rater sa vie en étant trop têtue. ✪ Elle rêve d'être actrice. Grandir non loin d'Hollywood l'a grandement inspirée. ✪ Elle parle parfaitement anglais et coréen. ✪ Elle passe tout son temps libre à auditionner. Elle est si déséspérée à l'idée de ne jamais parvenir à décrocher un rôle qu'elle tente même des rôles pour les drama. ✪ Elle est bonne actrice et adore s'inventer des personnages. ✪ C'est une bonne menteuse. ✪ Elle est très proche de son frère jumeau, considère Leo comme un rival et Robyn comme un modèle. ✪ Elle sait faire du skate mais préfère de loin faire de la trottinette ✪ Elle déteste le melon. ✪ Elle aurait préféré être un garçon, même si elle les trouve casse-couille en soit. ✪ Elle rêve de retourner vivre en Amérique. ✪ Elle est née la nuit du nouvel an. ✪ Petite, elle s'entrainait à disséquer toute sorte d'animaux. Elle a même voulu devenir médecin à un moment donné. ✪ Elle a toujours eu un faible pour les trucs crados. ✪ Elle a un humour très pipi-caca. ✪ C'est pas vraiment un modèle d'élégance, elle a tendance à frapper le sol de ses pieds en marchant et a la délicatesse d'un phacochère. ✪ Elle déteste pleurer en public. ✪ Quand elle va mal, elle s'enferme dans les toilettes. ✪ Elle dit tout à son frère, sauf quand ses préoccupation le concerne. S'il y a bien une personne pour qui elle se sacrifiera toujours, c'est bien lui. ✪ Petite, elle prenait des cachets pour traiter son activité. En grandissant elle a appris à se contrôler mais reste extrêmement agitée. ✪ Elle court très vite, proportionnellement à la taille de ses jambes. ✪ Elle a le rythme dans la peau mais ne sait pas danser. ✪ Elle a peur des chiens depuis qu'elle s'est fait mordre à la jambe par un Labrador, enfant. Elle garde une cicatrice de l'incident au niveau de la cuisse gauche.