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Visage fermé, je faisais mine d’écouter les paroles du maître de conférence avec attention alors que je n’avais d’yeux que pour l’horloge murale qui m’indiquait bientôt le début de mon calvaire. Un retour en arrière imposé par leur passage. Quelle idée de venir me rendre visite dans un studio à peine plus grand que leur salon… Le regard rivé sur l’aiguille, j’avais beau la supplier en silence d’interrompre sa course, elle me narguait sans s’arrêter. Le cri strident de la sonnerie me fit sursauter et sonna le glas d’une journée sur le campus, et si je tentais de réfléchir à tous les moyens possibles pour y rester encore… aucun ne me vint.
Le pas traînant, j’avançais à contre cœur vers mon appartement. Mon cocon de sécurité ne le serait plus pour quelques jours, et je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même de n’avoir pas su refuser. En soupirant, mes pupilles voguèrent jusqu’à apercevoir une silhouette familière. Tu es décidément bien débile ma pauvre Gaeun… forte pour t’en prendre aux plus faibles, mais une vrai lopette lorsqu’il faut te battre pour ta liberté… Je détournais les yeux de mon ancienne victime, me fustigeant intérieurement d’être à ce point si lâche. Et en moins de temps que je ne l’avais espéré, je me retrouvais au pied de mon immeuble. La lumière à ma fenêtre trahissait déjà leur intrusion et c’est en échappant un nouveau souffle brûlant que j’acceptais ma défaite en prenant l’ascenseur. Je n’avais pas encore passé la porte que je pouvais entendre sa voix, ce timbre sombre et glacial qui m’arracha un frisson. Un instant, j’hésitais. La main sur le métal de la poignée, je sentais mon cœur s’emballer d’une terreur familière et je n’eus pas même à pousser le battant qu’il le tira brusquement. « Pourquoi n’est-elle pas encore rentrée… Oh. Gaeun ! » J’exécrais la joie factice et le sourire carnassier qui étirait ses pulpeuses. Et d’un simple « Hmm » j’allais déposer mes affaires.
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J’avais espéré, j’avais prié pour que ne plus revivre ces longues et douloureuses soirées. Mais il suffisait qu’elle ait sa bouteille d’alcool pour que le monstre sorte ses griffes. Je n’avais rien dit aux quatre premières gifles. Je n’avais pas bronché à ce coup dans les côtes. Je n’avais pas défié son regard à sa poigne d’acier qui me tordait le bras…. Je détestais ma couardise au moins autant que le reflet que j’avais de mes yeux rougit par la honte. Et dans un sursaut de conscience, je profitais qu’il n’occupe ma salle de bain pour fuir. Une nouvelle preuve de lâcheté…
Sans un regard en arrière, sans même penser au moment où je devrais forcément retrouver mon foyer, je me ruais au dehors sans même savoir où aller. Le cœur battant à tout rompre, j’arpentais les rues à une cadence soutenue jusqu’à voir se dessiner le corps d’un bâtiment qui me projeta dans de vieux souvenirs bien plus agréables. L’Eglise semblait fendre l’horizon dont le halo semblait m’appeler. Attiré comme un papillon de nuit, je m’y engouffrais finalement pour me laisser tomber sur l’un des bancs. « À quoi ça sert de te prier si rien ne change ? » murmurais-je en fixant la réplique du Christ sur sa croix. Un blâme qui, je le savais mieux que n’importe qui, m’était destiné. Épuisée de lutter contre l’inéluctable, je plongeais mon visage dans mes mains en laissant ainsi s’échapper les perles salées qui s’écrasèrent dans mes paumes.
Visage fermé et bras levés, Junyoung savourait enfin cette brise, bienvenue, après cette dure journée de labeur. Son corps, meurtri par le manque de sommeil et la réalité de son métier, lui hurlait chaque soir à l’aide et il se demandait à lui-même, constamment, si ses efforts en valaient vraiment la chandelle. Et pourtant, il ne lui fallait pas grand-chose pour se dire, chaque matin, que tout ce qu’il faisait avait un sens. Aujourd’hui, ce petit rien était le sourire radieux de ces enfants.
Une fois par mois, le commissariat dans lequel il travaillait – et où il passait ses nuits et jours comme un pauvre fantôme – organisait un petit évènement dans cette église et orphelinat, où certains policiers étaient choisis pour offrir des peluches et passer du temps avec les enfants. Pour certains il s’agissait d’une punition – seules les personnes off étaient tirés au sort – mais pour junnie, c’était un vrai oasis ; une bouchée d’air frais. Il se portait toujours volontaire, lorsque c’était possible, évoquant comme raison son amour pour les enfants.
Mais c’était loin d’être une sinécure : s’occuper d’orphelins était une responsabilité forte et pas moins difficile que de gérer des alcooliques ou des jeunes délinquants. Les choix des mots et des actes devaient être millimétrés car ces enfants étaient comme des feuilles blanches. Et il n’y a rien de plus simple que de déchirer, froisser ou tâcher un papier A4. Et ça, le natif de Busan le savait. Car il avait été tout comme orphelin. Il avait vécu dans des refuges. Il avait connu la vie solitaire. Le désespoir. Tout autant de raisons qui l’amenaient ici à partager ces moments avec ces garnements, espérant leur apporter ainsi ne serait-ce qu’une pincée de joie.
Le corps las mais le cœur plein, Junyoung était donc assis sur ce banc, plus discret que jamais. Il avait troqué son uniforme contre un jean et un vieux hoodie noir et, dissimulé sous sa capuche, il profitait seul de ce silence comme s’il s’agissait de la plus belle récompense du monde. C’est pour ça qu’il se retrouva dans une situation awkward et qu’il ne sut plus vraiment quoi faire lorsque, soudainement, une figure apparut à ses côtés. Le pauvre se figea, ne sachant pas si la nouvelle venue avait remarqué sa présence ou s’il devait agir comme un fantôme et rester immobile, jusqu’à ce que les pleurs, discrets, de cette personne le ramena sur terre. Fouillant dans ses poches, il n’y trouva malheureusement qu’un vieux mouchoir – propre mais probablement là depuis au moins une lessive – qu’il tendit vers elle, gêné.
« Ce ne sont pas les prières qui amènent le changement » marmonna finalement le policier, qui avait une étrange impression de déjà-vu : « les prières nous donnent juste du courage. Le changement, c’est à nous de le faire »
Pouvais-je seulement être plus pathétique qu’à cet instant ? Affalée sur le banc d’une église, dévorée par quelques sanglots silencieux, désespérée par mes prières muettes… Je m’imaginais alors engloutie par le monde qui se déroberait sous mes pieds et disparaître. Mon cœur se serra à la simple pensée qu’un jour, mon dernier souffle n’aurait pas plus d’importance que la vie que j’avais pu mener. Elle me tordait les entrailles, la solitude avec laquelle je me battais depuis de trop longues années, une seule personne était parvenue à faire fuir le démon, mais au final, lui aussi avait pris un autre chemin. J’éprouvais alors le manque de ces quelques escapades à ses côtés, celles qui me donnaient l’impression de vivre plus que de survire. Ces doux souvenirs n’étaient rien de plus…
J’aurais pu rester de longues heures prostrées ainsi, mais je fus tiré de ma déréliction par une voix et une main tendue. J’ignorais depuis combien de temps il était assis, visiblement suffisamment longtemps pour entendre ma plainte et mes larmes. Hébétée, je le fixais sans le voir. Si d’ordinaire mes escapades demeuraient solitaires, à cet instant il semblait que l’univers me joue un mauvais tour. Les mots mourraient dans ma gorge et je me retrouvais aphone devant la silhouette sombre qui paraissait vouloir me venir en aide. Une compassion étonnante tant elle m’était étrangère, il était le seul à me tendre la main, et j’eus la sensation d’un nouveau coup porté à l’estomac à cette pensée.
D’un revers de main, j’essuyais maladroitement mes joues, non sans m’arracher une grimace alors que je frottais ma pommette marquée. Le changement c’est à nous de le faire. Je savais pertinemment qu’il avait raison, mais j’ignorais comment l’appliquer. « Le changement… si seulement c’était aussi simple.. » soufflais-je avec désillusion. « Désolée de vous avoir dérangé, je… » Puis sans plus d’excuses, je me levais et quittais le banc pour aller m’installer plus loin. Le regard dans le vide et rivé vers les bougies dont les flammes dansaient au passage des religieux. Je ne pus m’empêcher de couler un dernier regard vers l’inconnu. Il dégageait quelque chose de familier, ou bien était-ce mon besoin irrépressible de retrouver ces instants volés de mon adolescence ?
Ce n’est qu’après quelques secondes que Junyoung se rendit compte, alors qu’il tendait encore le mouchoir vers l’étrangère, à quel point il pouvait passer pour un type louche ; si son accoutrement lui permettrait sans le moindre doute de fondre dans la masse, qu’en était-il lorsqu’il était tapi dans l’ombre, péniblement éclairé par quelques lampadaires mal garnis ? Un hoodie était à la fois un habit jeune et confortable, mais il était littéralement à une casquette ou masque chirurgical de passer pour un tueur en série. Le jeune policier appréhendait ainsi la réaction de la demoiselle, se faire insulter de pervers ruinerait clairement la belle journée qu’il venait de passer.
Mais il n’en fut rien. La jeune femme, probablement étudiante encore, s’essuya les larmes par ses propres moyens et se leva quasi immédiatement. Sa grimace ainsi que sa joue endolorie n’échappèrent pas au regard de Junnie mais ce dernier resta silencieux ; son cœur et sa raison étaient tous deux en pleine lutte gréco-romaine pour déterminer les prochains mots qui allaient quitter ses lèvres. Les soucis personnels des autres n’étaient – généralement – pas de son ressort mais il avait pris l’habitude, aussi mauvaise soit-elle, de se mêler de ce qui ne le regardait pas. Et étrangement, ses meilleurs souvenirs découlaient souvent de ces décisions prises sur le tas.
« Désolé, c’était peut-être déplacé de ma part » ajouta quand même le natif de Busan tandis qu’elle s’éloignait de quelques pas. Il ne l’a connaissait pas et s’était permis une remarque clichée tout droit sortie d’une mauvaise série sur M6 un samedi soir après vingt heures. Peut-être qu’aujourd’hui il resterait sage ? Leur rencontre aurait pu s’arrêter là ; un bonjour, un au revoir et plus jamais ils ne se seraient recroisés de leur vie. Mais le destin décida de leur donner une seconde chance et il ne fallut qu’un regard ; qu’un seul échange pour que ce duel au fond de lui-même ne finisse par un german suplex sur la raison et d’une victoire par K.O pour le cœur. Et qu’il reconnaisse celle qui se trouve devant lui, tant bien cela faisait presque une décennie depuis leur dernière rencontre.
Junnie se leva immédiatement et avala les quelques mètres qui les séparaient en un instant ; et sans réfléchir, il attrapa la manche, se retenant au dernier moment de lui prendre la main ou le poignet. Et s’il se trompait ? « Shin Gaeun ? » finit-il par baragouiner, après avoir longtemps cherché ses mots dans sa bouche à présent pâteuse tandis qu'il retirait sa capuche.
J’appliquais une stratégie dans laquelle j’étais devenue une experte, et j’ignorais alors ses excuses pour une nouvelle fuite en avant. Quelques mètres et quelques bancs entre nous, un bien maigre rempart mais qui m’offrait pourtant tout le répit dont j’avais besoin. Mon cœur frappait comme un diable contre mes côtes, et si je tentais d’y rester sourde, j’éprouvais une sensation familière. Elle faisait écho dans mon esprit embrumé par la peur et la douleur, mais me poussait à observer celui que j’avais sitôt identifié comme une menace. Oublie ça Gaeun… M’invectivais-je. Les fantômes du passé refaisaient surface accompagnés d’une douleur sourde que je m’empressais de nier. J’avais appris avec les années que plus aucune main ne me serait tendue, et je m’étais fait une raison.
Les yeux rivés à l’Autel, je décidais de m’accorder un dernier sanglot, une dernière prière avant de regagner mon enfer. Une solitude de courte durée alors que quelqu’un saisissait ma manche. J’eus toute la peine du monde à ne pas hurler de peur, mais je devais bien reconnaître une chose à mon beau-père : il m’avait inculqué avec brio la terreur muette. Effrayée, je m’apprêtais à lui faire lâcher prise lorsqu’il se présenta finalement à visage découvert en même temps que mon nom lui échappait. J’eus la sensation que mon cœur tombait dans ma poitrine alors que je reconnaissais sans aucun mal celui qui m’avait aidé à traverser une partie sombre de ma vie.
Mes lèvres s’entrechoquèrent sans qu’un son ne puisse en sortir et ce furent finalement des larmes de soulagement qui inondèrent mes joues. Etait-ce un rêve ? J’avais espéré tant de fois pouvoir retrouver ce lien, en vain. Et comme autrefois, il apparaissait dans un moment de profond désespoir. Instinctivement, je vins enrouler mes bras autour de son cou et l’enlaçais comme si ma vie en dépendait. « Jun… Young… » parvenais-je à articuler entre deux sanglots. Le barrage de mes émotions refoulées cédait et je noyais son épaule non sans en éprouver une gêne écrasante. « Pardon… » soufflais-je en lui rendant sa liberté. J’osais à peine détourner le regard de peur qu’il ne disparaisse. Les yeux dardés sur lui, j’en avais même oublié à quel point je faisais pâle figure. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Malgré moi, je venais régulièrement dans cette église, et même si j’étais incapable de savoir reconnaître les âmes qui la côtoyait, il m’aurait été impossible de l’oublier lui.