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   Débrouillard, est ce que c’était un mot pour qualifier le chanteur? Cela ne lui était jamais venu à l’esprit. Plutôt parce qu’il voyait le fait de continuer à faire ce qu’il fait malgré sa jambe comme une obligation plutôt qu’un choix. Mais en réalité c’est vrai, c’est lui qui a fait le maximum d’exercices avec ses kinésithérapeutes et médecins pour essayer de combler au maximum son handicap. C’est lui qui s’est battu pour garder sa place dans l’industrie qu’il aime par-dessus tout. C’est lui qui s’est trouvé de nouveaux objectifs pour continuer à vivre de sa musique même si ce n’était pas lui qui pouvait la faire en premier lieu. Et bien sûr, c’est lui qui s’est quand même battu pour rester sur scène malgré tout ce qu’il avait vécu. Peut être le plus important de tout, c’est lui, et lui seul, qui s’est battu pour vouloir rester en vie. Mais le problème vient peut être de là. Ses combats, pas forcément par choix, il a dû les mener seul. Et s’il sait comment gérer sa diminution tout seul, il ne sait pas encore comment s’en occuper avec quelqu’un d’autre. Il est encore gêné à l’idée qu’on le voit aussi faible. Il a déjà pris tellement longtemps pour avouer son mal à sa famille. Et la réalité est qu’il ne sait pas comment l’accepter face à Haeri. Il l’aime, et il a envie de renvoyer une image d’homme fort et viril, c’est bien pour ça qu’il a toujours forcé ou fait semblant que ce n’était pas si gênant devant elle. Mais maintenant qu’il est tombé et qu’elle a dû l’aider, il est pris d’une honte et d’une frustration qu’il ne sait pas contrôler face à elle. C’est pour ça qu’il s’allonge et qu’il a des mots durs. Et le fait qu’elle lui fasse remarquer n’arrange pas les choses, même si elle le faisait en lui apportant de la glace, ce qui le soulageait grandement. Au moins, il daignait ouvrir les yeux et la regarder. Elle avait l’air énervée maintenant, et il s’en voulait. Mais Hangyeol ne savait pas comment contrôler sa colère. S’il la gardait pour lui, il allait encore pourrir de l’intérieur comme les mois suivant son accident où il en voulait au monde. Mais il ne savait pas comment sans débarrasser sans être méchant. "Mais je ne te reproche rien du tout." Répliqua-t-il d’un ton encore beaucoup trop froid.

    La respiration est lente pour tenter de se calmer, et les sourcils font mal tant ils sont froncés. Mais à voir la tête de Haeri, Hangyeol finit quand même par se calmer. Du moins, il redescend de quelques tons. "Avoir des limites en tant qu’être humain, je sais." Tente-t-il d’expliquer. Et il dit ça comme si c’était facile, même s’il avait eu du mal à accepter ça. C’était bien l’inconvénient de son perfectionnisme et de son obstination. S’il avait su, grâce à ça, atteindre ses rêves, il souffrait beaucoup trop quand les choses tournaient mal à cause de lui. "Laisse moi tranquille s’il te plaît." Finit-il par dire avec le plus de self-control qu’il pouvait. "Je ne suis pas énervé à cause de toi. Je suis énervé sur cette jambe. Alors laisse moi tranquille le temps que je me calme, s’il te plaît." Parce qu’il n’avait pas envie de lui faire du mal, et là, il était trop mal pour pouvoir l’épargner. Il avait mal, il se sentait mal, et il avait peur de retomber dans une crise. Il avait envie de crier, de pleurer, de cogner quelque chose. Et il se sentait déjà mal que Haeri le voit comme ça, il ne voulait pas qu’elle soit là pour en témoigner. Il avait tellement honte d’être faible devant quiconque. Tellement de gêne à être aidé.

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   Pensé à bien, Hangyeol trouvait, malgré que son ton soit froid et dur, qu'il agissait gentiment. Il voulait que Haeri s'éloigne de lui pour qu'il puisse se reconcentrer, enfermer sa colère au fond de lui et se pousser hors de ses limites comme il avait toujours fait. Ce n'était pas sain, évidemment, mais c'était comme ça qu'il procédait. Car il avait toujours du mal à gérer sa peine. Cela venait peut être de sa carrière, du fait qu'il avait grandi en apprenant qu'il devait toujours renvoyer la meilleure image de lui et ne jamais se préoccuper de ses problèmes. C'est bien ça qui a causé sa perte. Il n'a jamais su gérer ses problèmes aux côtés de quelqu'un. Venus l'avait vu au plus mal de sa jambe, quand il était en fauteuil roulant, et elle l'avait aimé malgré ça. Mais c'était différent. A cette époque, il pensait encore qu'il pourrait redevenir l'homme qu'il était avant, effacer toute cette période comme si elle n'était pas arrivée. Et même, s'ils savaient tous les deux les mals qui les rongeaient, ils n'en avaient jamais parlé clairement. Ils n'avaient fait que vivre aveuglés en regardant leurs douleurs sans jamais les étudier. Et c'était bien pour ça que leur relation s'était déteriorée à un point qui avait complètement détruit Venus. Hangyeol garde les cicatrices de ceci. C'est aussi pour ça qu'il ne veut pas montrer qu'il va mal, il a trop peur que cette ombre plane sur quelqu'un d'autre et que l'histoire se termine de la même façon. Et après Venus, il y a eu cette dépression, ce mélange de tout, qui aurait pu le tuer. Hangyeol déteste cette tristesse et cette colère au fond de lui. Il la hait plus que tout, et c'est pour ça qu'il veut l'étouffer. Mais s'il a appris quelque chose de cette époque, c'est justement qu'il ne doit pas l'enfermer trop longtemps. Et c'est en voulant se préserver, l'évacuer de son côté, qu'il demande à Haeri de le laisser. C'est un acte bienveillant pour lui. Alors quand elle s'éloigne, il ferme les yeux et soupire, soulagé à l'idée qu'il puisse se réguler de son côté.

     Mais son regard se rallume quand il entend un non murmuré, qu'il n'est pas sûr d'avoir bien compris. Il se tourne vers Haeri, et elle confirme qu'il a bien entendu; elle le défie. Et Hangyeol ne sait pas comment réagir, il reste interdit alors que sa chérie vient lui prendre les mains, s'accroupir à côté de lui. Et il écoute ses mots, tombant de plus en plus des nues. Ses sourcils sont froncés alors qu'il a les yeux plantés dans ceux de Haeri. Et il sait qu'elle a raison. Elle met les mots sur la vérité. Il souffre encore. Et cacher ses moments de mal-être sont déjà une habitude. Il pense qu'il est obligé de garder ça pour lui, car il ne veut pas s'afficher comme ça, et car c'est sa seule douleur à lui. Il pense être le seul à gérer cette situation car c'est sa situation. Et surtout, il n'a pas envie d'être vu faible, diminué, souffrant. Il veut prouver, et peut être donc se prouver, qu'il a réussi. Qu'il est passé au dessus de tout ça. L'idée de retomber dans les ténèbres le terrifie. Et grâce aux mots de Haeri, sa colère s'est envolé. Comme la couche qui s'effrite. Et maintenant, Hangyeol n'est que souffrance. Souffrance apaisée et allégée par le câlin que la styliste lui offre. Jamais encore quelqu'un l'a défié de la sorte. Et Hangyeol s'en sent soulagé. Il ne voulait vraiment pas que Haeri reste et le soutienne, mais ça lui fait beaucoup de bien, et maintenant qu'elle est dans ses bras, il n'a pas envie qu'elle parte. Il referme ses bras autour d'elle et des larmes commencent à couler sur ses joues. "Je-je... je me sens si faible." Commence-t-il, car il sait qu'il doit parler, et grâce à elle, ça s'est un peu débloqué. "Je... Je suis dégoûté d'être tombé devant toi. Je me sens coupable de ne pas pouvoir me balader avec toi. J'ai l'impression d'être un moins que rien, un boulet. Je... Je ne comprends pas pourquoi tu es restée avec moi alors que je suis ridicule. Je ne me sens pas comme... Je ne ressemble pas à la personne que je suis censé être. Ca... ça m'énerve énormement." Se confie-t-il, alors qu'il garde encore Haeri dans ses bras. Et si depuis le début de leur relation il joue aux hommes confiants, qu'il joue de son charme avec elle, pour la première fois, il se dévoile comme un homme qui a peur et qui ne croit absolument pas en lui.

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   Instantanément après que Haeri ait enroulé ses bras autour de lui, c'est comme si elle avait avait débloqué quelque chose en lui. Hangyeol a l'impression d'avoir pris une grande dose d'air frais, et qu'on lui ait ouvert les robinets. Il se sentait instantanément plus léger, ce qui faisait qu'il pleurait sans savoir s'arrêter, et qu'il serrait sa chérie bien trop fort contre lui. Elle ne pouvait pas savoir ce qu'il traînait derrière lui, car il ne lui avait jamais dit. Il y a une dépression, des traumas émotionnels, des regrets, de la colère, et des blessures encore non refermées. Hangyeol tirait tout ça derrière lui de ses bras, et pour la première fois, Haeri avait jeté un coup d'oeil derrière lui, et lui avait permis de se reposer la poigne quelques instants. Elle pose ses mains sur ses joues, le forçant à se reculer un peu, et lui essuie les larmes. Hangyeol plonge ses yeux dans ceux de Haeri, et se force à l'écouter. C'est vrai qu'il a accompli beaucoup, peut être plus qu'il n'aurait accompli avant son accident. Mais ça reste dur à intégrer. Les larmes coulant toujours le long de son visage, Hangyeol fait doucement "non" de la tête quand Haeri lui demande s'il a vu son regard changer. Car c'est vrai qu'il ne l'a jamais vue le regarder différemment. Il aurait détesté le voir. Mais elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas que sa dernière petite-amie en date ne le regardait pas différemment non plus, mais que cette situation la pesait tellement qu'elle a fini par abandonner de vivre (il en est convaincu, toujours persuadé que c'est entièrement de sa faute.) Alors maintenant, il doute même de ces regards inchangés. C'est pour ça que quand elle dit l'aimer encore plus maintenant qu'elle a vu ça, son coeur ratte un battement et un sanglot lui échappe. Elle ne sait pas le bien que ça fait d'entendre ça, le soulagement, presque. Hangyeol a beaucoup de fêlures, Hangyeol a besoin de quelqu'un en qui se confier, avec qui respirer, et il avait trop peur de le faire après ses dernières relations. Mais il a envie de croire en Haeri. Surtout quand elle mentionne sa fausse couche. Car c'est vrai, ils se comprennent. Ils le savent, et il faut en parler. Hangyeol ne veut pas laisser le silence les détruire encore une fois. "Je t'aime." Dit-il d'abord après le baiser, pour répondre à Haeri, mais aussi parce que c'est vrai. "Et je veux devenir un homme qui ne remet pas sa peine sur les autres... C'est pour ça que je n'arrive pas à t'en parler..." Hangyeol prend une grande respiration et essuie ses larmes. Il a l'impression qu'il a fini de pleurer. Cela a lancé la discussion, et il a envie d'être plus tranquille maintenant. Il a toujours honte d'être aussi faible devant Haeri. "J'arrive de plus en plus à faire le deuil de l'homme que j'étais. Je suis sincèrement épanoui dans ce nouvel axe de ma carrière. J'ai moins honte de sortir avec ma canne. Mais ça reste dur et..." Il hausse les épaules, il ne sait pas comment le dire. "La petite amie que j'avais eu pendant mon accident m'a quitté dès qu'elle m'a vue en fauteuil roulant. Et celle que j'ai eue après... c'était ma meilleure amie d'enfance, c'était la fille que je voulais épouser, celle avec qui je croyais pouvoir tout vivre. Mais... Mais elle a fini par succomber. Elle était aussi mal que moi, et je n'ai rien fait pour l'aider. Tout ce que j'ai fait c'était m'appuyer sur elle pour me réparer. Et maintenant... Maintenant elle n'est plus là." Hangyeol rigole nerveusement. Comme ses yeux sont encore rouges, il a presque l'air d'un fou. "C'est la première fois que j'en parle aussi ouvertement. Je devrais être fier de moi mais... Comment je peux continuer à te parler de tout ça, si je suis absolument terrifié que ça finisse par te consumer toi aussi? Je t'aime Haeri... Et je n'ai pas envie de te détruire à petit feu. Tu mérites beaucoup mieux." Hanyeol avoue. Et il ne se rend même pas compte des progrès qu'il fait. Car c'est bien la première fois qu'il parle de ce traumatisme là. Même sa psychologue n'a jamais eu droit à entendre parler de cette peur. De ces regrets. De ces souvenirs qui viennent le terrifier quand il regarde Haeri dans les yeux.

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    Pour la première fois depuis qu’ils s’étaient rencontrés, Hangyeol avait parlé de lui et de ce qu’il avait traversé. Ce n’était pas sa cicatrice qu’il évoquait, ou la séparation qu’avait connu son groupe à cause de lui. Non, ça c’était des choses qu’il savait aborder sans grande difficulté. Là, Hangyeol s’était ouvert sur ses plus grandes peurs, sur ses faiblesses les plus puissantes. C’était quelque chose de rare; même sa famille n’avait pas eu le droit à ce ressenti. Pour la première fois, devant quelqu’un d’autre que sa psychologue, Hangyeol avait évoqué son ex petite-amie. Et pour la première fois, il avait admis la culpabilité qu’il traînait derrière lui. Il ne savait pas trop ce qu’il en attendait d’ailleurs. Car sur sa jambe, son accident, il savait qu’il pourrait accepter des mots réconfortants. Il savait qu’au bout d’un moment, il finirait par s’habituer, par accepter. C’était déjà en bonne voie. Mais la mort qu’il avait sur la conscience, il ne savait pas si un jour il pourrait l’estomper. C’était encore bien vif dans son esprit. Et même s’il avait perdu ses sentiments pour Venus, et qu’il avait de sincères sentiments envers Haeri, qui s'amplifient d’ailleurs à la voir l’épauler, il n’était pas convaincu qu’un jour il cesserait de s’en vouloir. Haeri était absolument craquante, prévenante, et Hangyeol était toujours amoureux du fait qu’elle puisse montrer telle douceur quand il en avait besoin, et passer le reste de leur temps à le taquiner gentiment. Il appréciait qu’elle soit là, il était réchauffé de sentir ses mains contre lui, mais il ne pouvait pas ancrer ses mots en lui. "Je ne l’ai pas poussée à ce choix, mais… Elle ne l’aurait pas fait si je l’avais écouté. Si elle avait pu se sentir assez en confiance pour se confier. Si je ne l’avais pas épuisée à m’épauler. Ou même simplement si nos chemins ne s'étaient pas recroisés cette fois là…" Hangyeol tente d’expliquer à nouveau. Car il est sûr que Venus serait encore ici si elle s’était sentie assez aimée pour se confier à lui. Mais elle avait dû être persuadée qu’il n’avait pas assez de force dans son coeur pour la tirer vers le haut, quand il ne tenait debout que grâce à elle. Et s'ils ne s'étaient jamais revus après ces années où ils ont subi leur dispute... C'est sûr que Venus aurait su se reconstruire avec quelqu'un d'autre. Et c’est pour ça que Hangyeol a peur. Il a tellement peur de chuter à nouveau, et d’entraîner Haeri plus bas que terre. Et il préfère lui dire.

    D’ailleurs, il ne sait pas à quoi il s’attend en lui disant cela. Il n’a pas envie qu’elle le quitte, mais il n’a pas non plus envie qu’elle reste avec lui si c’est pour se détruire. Dans tous les cas, il ne s’attendait pas à ce geste. Ce doigt qui vient piquer sa joue doucement. Et ce sourire, bien que faible, qui semblait être le sourire le plus étincelant qu’il n’ait vu de sa vie. Hangyeol est muet. Il écoute sa belle lui parler d’elle, évoquer une nouvelle fois le fait qu’elle aussi ait vécu de lourdes pertes. Cela ne peut pas suffire à le convaincre, mais ça remet les choses en perspectives. Cela laisse la possibilité que les choses soient différentes avec elle. Parce que Haeri aussi a vécu des pertes. Elle aussi a une mort sur la conscience, et les conséquences de ces regrets. Une dernière larme coule sur la joue de Hangyeol alors qu’il laisse sa chérie se frayer un chemin contre lui. Il enroule un bras autour d’elle et colle une joue contre le haut de sa tête, la serrant fort contre lui. "Merci." Il commente faiblement, alors qu’il ferme les yeux pour apprécier le moment. C’est un merci pour ses mots, un merci d’être là pour lui. Un merci de le soutenir alors qu’il est à l’opposé de l’image qu’il souhaite renvoyer de lui. "Je reste désolé de ne pas avoir pu t’offrir une soirée idéale." Dit-il avant de finalement se taire. Sa main caresse doucement le bras de Haeri, la berçant docilement; se berçant lui-même.