“- Il est difficile d’avancer si tu ne penses qu’à la chute… Il y a aussi la possibilité que tu passes le ravin sans chuter pour atteindre ce que tu souhaites.”

Saemin était doué pour jouer la fille sûr d’elle quand les doutes agitent son être plus souvent qu’elle ne le laisse paraître, espère juste que son amie saura prendre de la confiance aussi, car la peur qui peut la paralysé à trop réfléchir peut l’empêcher d’être heureuse. Saemin voulait voir la plus jeune s’épanouir, elle le méritait. Parce que c’était son amie, et qu’elle l’appréciait, même si Sae pouvait se montrer évasive et volage.

“- Tu devrais te lâcher un peu tu sais, je sais pas comment tu fais, tout prévoir, je trouve ça tellement compliqué.”

Bien sûr que Saemin bosse, elle étudie avec minutie et s’organise, mais en dehors de ça, elle adore l’imprévue, n’aime pas savoir ce qui va arriver. Peut être que c’est de là qu’elle adore les jeux d’argent, les jeux de hasard, elle en a jamais parler, de ses nuits dans des lieux où l'argent va et vient de façon si aléatoire. Si le résultat devient prévisible, facile à savoir, ça n’aurait plus de goût pour elle. C’était parfois aussi trop compliqué de tout planifier, de tout contrôler, de tout prévoir. Surtout, elle aurait peur d’être déçue de ne pas arriver au résultat attendu. Saemin l’écoute, parle de sa vie amoureuse. Elle fuit la question quelque peu, c’est vrai qu’en regardant de loin, elle a l’air à l’aise, on pourrait croire qu’elle a les garçons à ses pieds, qu’elle pouvait avoir n’importe qui. Mais peu remarqué qu’elle n’est jamais aller plus loin dans ses flirts que des paroles échangées, des rires partagés, avant de filer et disparaître, car elle se sait incapable d’aller plus loin. Parce qu’elle ne pouvait avouer que le contact l’effrayait, qu’elle ne pourrait pas se sentir bien dans les bras d’un garçon, qu’elle paraitrait surement stupide et coincé.

“- Un chat ça suffira.”

Elle rit alors et roule des yeux. C’est vrai que son anniversaire arrivait, mais ce n'était pas vraiment une fête importante, mais elle aura peut être l’occasion de rassembler ses amis.

“- N’importe quoi.”

Elle mange quelques chips en réfléchissant, observant le plafond.

“- Pas besoin de speed dating, j’ai juste pas eu d’accroche avec un garçon encore… c’est pas si grave que ça… non ?”

Saemin rie doucement et secoue la tête en s’allongeant sur son futon, l’observant calmement, un peu fatigué par la journée, elle se montre moins énergique.

“- Pas coincé, c’est un peu fort, mais tu aimes quand tout se passe comme tu l’as prévu.”

C’était une qualité comme un défaut, Sae ne réfute pas le fait que c’était un comportement mature et pas dénué de sens, d’ailleurs elle le disait pour taquiner pas pour reprocher. Mais l'aînée, sait qu’elle ne pourrait pas être ainsi, trop disperser pour être si rigoureuse, appréciant l’imprévue, s’ennuyant vite si la routine s’installe. Mais c’était aussi à double tranchant, elle aussi se mordait parfois les doigts de sa façon d’être.

“- ça peut être marrant de temps en temps. Regarde, on a gagné une soirée pyjama ce soir.”

Elle mange quelques snacks alors du bout des doigts en discutant, écoutant les paroles de son ami, essayant de répondre du mieux qu’elle peut, avec l’impression de conseiller une petite sœur, même si elle n’est pas des plus matures, elle apprécie cette famille fabriquée. Mais elle aurait préféré que la question ne lui soit pas retournée, car elle n’a pas grand chose à dire sur sa vie amoureuse inexistante. Puis même si un jour elle trouve un garçon attirant, elle n’est pas sûr que ça change quoi que ce soit, elle se trouve elle même bien trop compliqué pour un garçon qui devra avoir de la patience, quand le contact humain la fait paniquer en secret.

“- Et bien, tu es plus doué question amour, moi j’ai pas encore trouvé.”

Elle sourit, mais une boule se forme au creux de son ventre quand la suite arrive. C’est vrai que la jeune femme ne se confie pas beaucoup, ne laisse pas voir ses sombres secrets au yeux du monde, même à ses proches amis. Mais, elle ne pouvait se résoudre à divulguer ses craintes et ses peines.

“- Pourquoi je cacherais quelque chose ? J’ai une vie banale, c’est tout.”

Elle aimerait tellement que ça soit le cas, alors qu’elle aurait pu ne déjà plus être là depuis plusieurs années. N’a jamais vraiment parlé de ses journées à l'hôpital parce que ton corps ne sait pas s’il doit être trop actif ou se mettre sur off quand il veut, ni de ses nuits dans les casinos, à la poursuite d'adrénaline. Quelle image elle donnerait à ses amis s’ils savaient tout ça ?

“- Puis je préfères t’écouter, je suis contente de voir comment tu évolue, et t’aider à être heureuse.”

“- c’est déjà bien deux.”

c’était déjà mieux que rien, si elle semble pouvoir faire tourner des têtes et populaire, c’est qu’un air qu’elle se donne quand jamais, elle n’a gouté au goût de l’amour. Elle regarde les autres se lier les uns aux autres, en sachant qu’il serait difficile pour toi d’en trouver un, quand la confiance est si difficile à donner. Elle l’écoute et hausse les épaules. Comme ça, elle ne pouvait pas dire, elle ne l’avait pas vu. Elle s’allonge et se tourne vers son amie.

“- Je sais pas, tu as une photo ?”

Quand même curieuse de voir le garçon, en sachant tout de même que ça n’iras pas plus loin que de simple parole, de simple supposition, même si ça ferait plaisir à Byeol de te voir avec quelqu’un. Tu souris avec une certaine mélancolie aux questions posées, cette crainte qui s’allume quand il faut parler d’elle-même, quand elle préfère qu’on s’arrête à l’image qu’elle donne, sans approfondir le sujet, parce qu’elle ne veut pas paraître cassée.

“- C’est logique.”

Elle rit doucement, réfléchit, se demande si elle doit en parler… Peut-être pas de tout, car ça ferait sans doute beaucoup d’un coup. Elle se tourne sur le dos, fuit un peu le regard de la cadette, soupirant doucement dans un air plus sérieux.

“- Y a pas grand-chose à faire… En dehors de mes parents ou de toi, le contact physique me donne des angoisses… Donc j’ai jamais eu de petit ami.”

Elle rit nerveusement, pour cacher l’embarras, elle n’a pas l’habitude d’avouer des peurs et ses faiblesses qui sont plus nombreuses qu’elle le laisse paraître. Une montagne sur une fondation de sable, une structure si facile à faire chuter si on creuse ses vices cachés. Elle ouvre la bouche, mais rien ne sort, encore incapable d’avouer la cause sinistre de ce rejet du monde, ni l’envie de replonger ses souvenirs dans cette terreur d’enfance.

“- C’est pas grand-chose, mais c’est difficile de trouver quelqu’un et lui dire de rester loin de moi, c’est pas très correct.”

Elle plaisante pour essayer de noyer le poisson, d’échapper aux conséquences de l'aveu, l’inconfort de savoir qu’elle n’avoue qu’un morceau de ses nombreux secrets. Mais c’était parfois compliqué de s’ouvrir, même face à ses plus proches amis.

“- Désolé…”

Saemin se mord la lèvre, elle ne voulait pas réveiller de mauvais souvenirs, laissant alors la conversation changer de direction, ne souhaitant pas enfoncer le clou ou dire de chose de travers. Elle serait presque désolée que ses relations à elle n’ont rien d’intéressant quand elles sont inexistantes jusque-là, prisonnière d’un drame survenue trop tôt pour lui avoir laissé le temps de connaître une quelconque amourette dans le passé, avant qu’elle ne soit effrayée d’un simple contact. Saemin préfère laisser Byeol plaisanter, parler d’un garçon qu’elle sait déjà rejeter, mais la curiosité survient quand même, quand mater de beaux garçons ne lui est pas interdit pour autant. Mais visiblement l’oiseau ne se laisse pas si facilement capturer quand aucun visuel n’est laissé sur la toile pour la laisser admirer le damoiseau.

“- Il n’aime peut-être pas se prendre en photo… Tant pis, c’est pas si grave.”

Elle hausse les épaules, ce n'est pas si étonnant, beaucoup de gens ne veulent pas laisser leur photo sur le net, sa curiosité devra se taire, puis peut-être qu’elle le croisera un jour juste pour savoir à quoi ressemble cet ami en question. Allonger sur son lit de fortune, porté par l’ambiance de cette discussion entre amie, dans cette chambre si loin de leur vie habituelle, la jeune femme se laisse porter aux confidences, quand pour la première fois, elle ose avouer que le toucher des autres l’effraie, comme si la peau des gens la brulait, l’enfermant dans son monde de solitude. Sae se laisse aller à l’étreinte de son amie, écoute les mots réconfortants, sans trop y croire pour autant.

“- Je l’espère.”

Elle sourit, fuit cet aveu, décoiffant son amie tout en se redressant.

“- On devrait dormir, il commence à se faire tard et demain, il ne faudrait pas rater le bus de retour, sauf si tu veux prolonger notre voyage improvisé.”

Elle rit, laisse son amie s’allonger avant d’éteindre la lumière.