le froid de l'hiver s'abat sur son visage au moment où il met le pied à l'extérieur du bus, mais il est à peine affecté. l'habitude du vent glacial coule dans ses veines à présent, de son usage de se retrouver dehors lorsqu'on oublie son existence et qu'on ferme la porte devant son nez. le refus d'un abri pour la nuit, il connait, eden. l'endurance le suit, après plus d'un an à se retrouver loin de tout ce qu'il a pu connaître auparavant. incertitude évident, tout n'est plus qu'un nuage obscur, de l'inconnu nébuleux qu'est son identité. eden tout court, qui a vu le jour en fin avril 2021. eden tout court qui s'est éveillé un beau jour, sans l'ombre d'une idée de sa personne. gamin terrifié qui s'est dirigé dans la capitale, jadis espérant qu'on connaît l'individu qu'il ne reconnaît pas dans le miroir, mais qui s'est replié sur lui-même avec le temps et les souvenirs flous, pointant vers une direction de son passé qu'il n'aime pas. eden, apeuré de sa propre vie, qui se ment à lui-même en se disant qu'il est mieux ainsi, sans reconnaître qui il est. à vivre entre une église et le club, faisant de son possible pour survivre au sein de cette vie qu'il s'est créé, seul.

il s'accable à se dire qu'il est bien mieux ainsi, s'enfonçant dans les mensonges plus que sa mémoire se débloque. encore aujourd'hui, rien de concret ne lui est venu. rien que des bribes de résonance d'une ancienne vie, des fragments qui ne font aucun sens et de visages inconnus et indistincts. réminiscence de terribles choses, d'après lui, qu'il a pu faire et qui le hante. encore une fois, l'enfant solitaire se perd dans son propre monde, les jambes se traînant au sol de l'arrêt de bus jusqu'à l'église. la nuit s'avance d'une lenteur étouffante, mais rien ne peut décourager eden plus qu'il ne l'est déjà. jour après jour, la même routine le suit. l'effroi d'être reconnu traînant derrière lui à chaque moment qu'il croise un étranger, rien que pour souffler de soulagement lorsqu'on l'ignore. rien ne change, dans l'obscurité de l'église où il se glisse. de sa routine qu'il pratique depuis si longtemps, il se plie aux demandes de ceux qui s'occupent du bâtiment, contre l'option d'y dormir pendant la semaine. sans plus, son attention se porte sur la silhouette d'un inconnu qui entre à l'intérieur de cet endroit sacré. l'église n'est qu'en service demain, à partir de six heures, qu'il souffle mécaniquement, ayant oublié de nouveau de fermer la porte à clé. son regard se relève après quelques secondes, par cause de la porte qui ne bouge pas. revenez demain, je ne peux aider, qu'il souffle d'un ton las, l'expression complètement vide d'émotion.

Là, debout devant l'église, le regard las et triste, Siwoo observe en silence l'immense batisse. Un bel ouvrage soyons honnête, mais qui dans les yeux de Siwoo ne reflète rien d'autre que le malheur d'une vie passée et effacée depuis de longs mois déjà. Des souvenirs qui se dessinent et se déchainent, tandis que mécaniquement il s'approche de l'édifice. Il ne sait pas pourquoi, ni comment, mais alors qu'il se rendait chez lui après sa journée de travail ses pas l'avaient guidés vers ce bâtiment qu'il haissait plus que tout. Cette foutue église qu'il avait ignoré dès son arrivée dans la capitale. Pourtant ce soir, le voilà bien proche, trop proche. Il aurait pu faire demi-tour, il aurait du faire demi-tour, mais étrangement son coeur ressentait le besoin de se rapprocher de cette foutue église. Pendant un instant Siwoo hésite, fait demi-tour avec rage les mains dans les poches, avant qu'un râle rauque ne s'échappe de ses lippes. "Fais chier" marmonne-t-il alors que le tatoueur s'empresse de faire demi-tour, en quelques pas seulement le voici de nouveau sur le perron et sans aucune hésitation il ouvre la porte de l'église. La porte grince, émet un bruit aigue qui lui fait serrer les dents et finalement dévoile sous ses yeux tout ce qu'il a toujours détesté. Des bancs, des voûtes, des foutus vitraux et cet homme soi-disant fils de dieu qui le nargue et le juge depuis enfant. A nouveau sa mâchoire se contracte, et il pense à rebrousser chemin, d'ailleurs c'est ce qu'il était entrain de faire ... jusqu'à ce qu'il l'entende. lui. Cette voix, il l'aurait reconnu entre mille, surprise il n'arrive même pas à faire volte face. Son coeur explose dans sa poitrine, sa main sur la poignée commence à trembler tandis que sa vue se brouille lentement "non ... ce n'est pas possible." lâche-t-il dans un murmure le coeur serré et prêt à se briser d'un instant à l'autre. Lentement, il relâche la poignée de la porte qui grince à nouveau et tout aussi lentement Siwoo se retourne. Son regard croise alors le visage d'un homme ... D'un homme qu'il n'aurait jamais cru revoir un jour "Yeonghwan ... c'est bien toi ?" questionne-t-il, l'espoir résonnant plus que jamais dans sa voix.

il y a quelques jours, on a cru le reconnaitre. une fausse alerte qui l'a fait arrêter sur son chemin, l'envie pressante de partir et de ne pas se retourner. peut-être qu'il pouvait tenter sa chance dans une autre ville, là où on était certain de ne pas le reconnaître, qu'il s'est dit, eden. et pourtant, les jours sont passés et il est là, à présent. à l'église où il s'est réfugié à la minute où il a posé le pied à séoul, il y a plus d'un an. ô, si différent de la personne qu'il était, à ce moment. il n'a aucun désir d'être reconnu, désormais. gamin qui se sent presque en cavale, qui se referme sur lui-même dès qu'on pose un regard trop longuement sur lui, il n'aime pas l'idée qu'on lui révèle sa vie, ce qu'il a pu faire avant son amnésie. se mentir à soi-même, c'est mieux. c'est mieux de se dire qu'être eden tout court lui va et que sa vie est satisfaisante comme elle est. lui qui passe certaines de ses soirées à aider contre un refuge pour la nuit, comme ce soir-là. les habitudes qui le suit, de l'oubli de refermer la porte à clé, oubli qui le ramène à cet instant où l'on entre après les heures. non ... ce n'est pas possible. le brun est confus, pense que c'est la réponse donnée à sa réplique et il s'apprête à se répéter pour une troisième fois lorsque l'homme se retourne. yeonghwan, qu'il dit. c'est bien toi ? et voilà la vérité, dure et simple : il a toujours pensé – malgré les multiples avertissements que ce n'était pas le cas – qu'à la seconde où on allait prononcer son prénom, son vrai prénom, il allait soudainement savoir. que sa mémoire allait se débloquer, qu'il allait retrouver toutes les questions qu'il se posait depuis ce jour où il s'est réveillé à l'hôpital. l'espoir d'y comprendre quelque chose, à ce qui lui est arrivé, de savoir qui il est, ça reste au fond de lui. il veut ressentir une vague de reconnaissance, n'importe quoi qui lui indique qu'il est qui on pense qu'il est, mais il y a rien, eden. que le vide. les souvenirs ne lui reviennent pas et il est, le temps d'un instant, déçu. juste avant que la crainte ne se fasse savoir, gamin qui était jusqu'à maintenant paralysé parvient enfin à faire un pas en arrière. protège toi, qu'il pense, l'expression froide sur les traits de son visage. je m'appelle eden, qu'il souffle, le palpitant cognant fort contre son torse. tu te trompes de personne. son être tout entier lui hurle de partir. pars, eden. cours loin, fuis. pourtant, il n'y arrive pas, il est figé sur place.

L'espace d'un instant Siwoo songea à s'enfuir loin d'ici, loin de ce fantôme qui n'avait eu de cesse de le hanter depuis un an déjà. Ce fantôme qui comme par magie venait de réapparaître devant lui sans crier gare, sans même prévenir, mettant à rude épreuve son coeur déjà bien fragilisé par les traumas du passé. Alors, c'est ainsi qu'il hésite à fuir lui aussi, avant de finalement faire marche arrière. Non, il ne pouvait pas quitter les lieux sans savoir, sans comprendre ... Sans pouvoir mettre un mot sur sa soudaine disparition. Il était sûr et certain qu'il s'agissiat de Yeonghwan, il le reconnnaitrait entre mille et même son apparence actuelle ne pouvait le tromper. Il l'écoute alors, et à nouveau son coeur se brise. Il n'est pas Yeonghwang qu'il dit, et pourtant Siwoo en est sûr et certain c'est bien lui. "Ne me mens pas ... S'il te plaît ne me mens pas. ?" murmure-t-il avec une douleur bien perceptible dans sa voix, tandis qu'il s'approche avec hésitation du jeune homme. Lentement il porte la main à son cou et vint tirer de sous sa chemise un collier qu'il pointe devant lui. Regarde Yeonghwan, c'est ton collier ... Notre collier. Je le porte avec moi depuis ton départ dans l'espoir de pouvoir un jour te le rendre. Alors je t'en prie, ne m'ignore pas. Je sais que j'ai merdé Yeonghwan, je sais que j'ai ruiné ta vie. Mais laisse moi me faire pardonner ... S'il te plaît, laisse moi réparer mes erreurs. le supplie-t-il alors qu'il reste à bonne distance, effrayé à l'idée de lui faire peur et qu'il n'en vienne à s'enfuir à nouveau loin de lui.

est-ce la fin ? l'échappatoir qui n'est pas possible, pas lorsque ses jambes ne marchent pas. paralysé, voilà comment il est, eden. son coeur tapant contre son torse, confusion qui l'empêche de penser droit, il ne sait quoi faire, eden. eden, yeonghwan ? est-il yeonghwan ? il ne reconnait pas ce prénom et il est terrifié. il n'est pas prêt. il ne se l'est jamais avoué, mais même après plus d'un an à ne pas savoir qui il est, il n'est toujours pas prêt à le découvrir. dire qu'il ne veut pas savoir qui est cette personne qui lui fait face dans le miroir serait un euphémisme. parce qu'il a développé une phobie de lui-même, de son passé. incapable d'accepter l'idée d'être mauvais, quitte à se sauver de son propre passé. mais il n'y parvient pas. il a pensé pouvoir le faire, auparavant. il s'est toujours dit qu'il s'enfuierait si jamais on le reconnait dans la rue. je ne mens pas. qu'il souffle, de façon presque inaudible. mais eden reconnait la douleur au fond de sa voix. il secoue la tête en le voyant s'avancer, murmure un ne t'avance pas et la peur au ventre, il pose ses prunelles sur le collier et son coeur s'arrête presque immédiatement. il ne reconnaît pas l'homme qui se trouve devant lui, mais il reconnaît ce collier. la surprise le choque si fort, il ne sait plus quoi faire, eden. ou yeonghwan ? n-non, qu'il bégaie, il ne comprend rien, ni la raison pour laquelle il reconnaît ce collier ( souvenir lointain qui t'es venu il y a un moment. ce collier auquel tu tenais beaucoup, tu te souviens vaguement l'avoir balancé sur un bureau. c'est si embrouillé, eden. tes émotions étaient sens dessus dessous, tu en es certain. culpabilité, honte, colère, peine, trahison. ) il a l'impression que d'un moment à l'autre, il s'écroulera. c'est trop, trop pour quelqu'un comme lui. mais ça se voit à sa réaction qu'il reconnait se collier. il veut se faire pardonner, il dit avoir ruiné (ta) vie, mais eden ne connaît même pas son prénom. il n'y a que ce collier qui le lie. arrête de parler, qu'il dit. ARRÊTE. il reprend enfin le contrôle de son corps, recule jusqu'à ce qu'il percute l'un des bancs de l'église et se laisse tomber, les mains couvrants ses oreilles. je ne te reconnais pas, j- je… ne sais pas qui tu es. laisse moi tranquille. il prie qu'il quitte l'endroit, rien que pour ne plus avoir à faire face à ce qui l'attend. il ne sait plus quoi penser, tout ce qui tourne en boucle, c'est ce prénom. yeonghwan. il veut le reconnaître, mais il ne veut pas. il ne sait plus, eden. je ne me reconnais pas. qu'il murmure d'une voix brisée, se détestant de l'avouer à voix haute. il brise sa facade, mais il n'a aucun endroit où fuir. emprisonné, à la merci de cet inconnu qui n'est pas si inconnu que ça, même s'il ne l'avoue pas, eden.

En l'espace de quelques secondes c'est l'espoir qui se fane dans le cœur de Siwoo. Le regard triste, il tente de s'avancer une première fois vers celui qui un jour était sien, mais sans surprise Yeonghwan recule, comme s'il tentait de le fuir. Immédiatement le tatoueur sent son coeur se serrer violemment dans sa poitrine, et avec automatisme il porte sa main contre son torse serrant légérement sa chemise entre ses doigts. Il ne pouvait pas flancher, pas maintenant. Mais pourtant son corps lui hurle de faire demi-tour, de passer cette porte et de ne jamais revenir. Il est évident qu'il ne veut plus de lui, mais malgré tout il insiste et tente une dernière fois de lui faire recouvrir raison. C'est donc avec espoir qu'il lui présente le dernier souvenir de leur amour passé, un collier qu'il n'a eu le courage de retirer. Jusqu'à aujourd'hui, lentement il retire celui-ci mais avant même qu'il ne puisse le tendre à Yeonghwan, celui-ci recule. " Yeonghwan ... " murmure-t-il tristement, rabattant son poing sur le bijoux et laissant son bras retomber le long de son corps. Il ne veut pas de lui ... Yeongwhan ne veut plus de lui, et cette simple idée le rend malade ... Malade de tristesse. " Laisse-moi juste te ..." commence-t-il sans pouvoir finir sa phrase. En une fraction de seconde Yeonghwan avait heurté un des bancs de l'église, tombant lourdement au sol les mains contre les oreilles. Surpris, Siwoo s'avance dans le but de le relever, mais les mots qu'il lui assène finisse de l'achever. " Tu ... Tu ne me reconnais pas ? C'est moi Yeonghwan, tu ... Non. Tu ne peux pas me faire ça, je suis désolé, je suis vraiment désolé ... Mais ne me fais pas ça. Ne m'oublie pas " suppli Siwoo tandis qu'il prend les dernières miettes de courage qu'il lui reste pour s'agenouiller devant le jeune homme. Avec tendresse et délicatesse Siwoo dépose ses propres mains sur celles du pauvre garçon, et lentement il incite Yeonghwan a retirer ses mains de sur ses oreilles. Entre temps, le garçon lui avoue finalement ce qu'il craignait le plus, peut-être même plus que d'imaginer qu'il ne le reconnaisse plus ... Yeonghwan n'était plus. " Alors laisse-moi t'aider à te retrouver Bunny... " lui dit-il alors que l'esquisse d'un sourire se dessine sur ses lèvres.