il y a ce sentiment de béatitude qui fait dériver ton coeur depuis peu de temps, qui te transporte là où tu ne pensais jamais te rendre : dans un état serein. comme un gamin qui vivait son premier amour, le premier vrai amour, même si tu ne l’avouais toujours pas, tu te laisses vivre un peu plus qu’avant, minzhe. les étoiles dans les yeux et le palpitant cognant fort rien qu’à l’idée de retrouver seunghwa, la journée semble se passer au ralenti. votre relation est vague, vous n’êtes pas ensembles mais vous n’êtes pas pas ensembles non plus. ça avance à ton rythme, dans le plus grand des secrets et ça te va. parce qu'il y a cette peur au creux de ton ventre qui t'empêche toujours de t'avouer, à toi-même ainsi qu'au reste du monde, la vérité. la pensée même qu'on découvre qui tu es avant que tu ne sois prêt à le dire de toi-même te rend malade. c'est une peur que plusieurs trouverait irrationnelle, mais pour toi, minzhe, qui a grandi dans un environnement qui a toujours été aussi contre ce qui n'est pas conventionnel... la terreur te prend. tu ne peux qu'imaginer la répulsion que te montrerait ta propre mère pour te replier sur toi-même et oublier les infimes et si tout ce passait bien ? qui font parfois leurs apparitions au fond de ton crâne. les doutes refont surface et tu laisses tomber les ébauches de discours que tu prépares depuis... toujours. il y a fort longtemps que tu as dans l'idée d'admettre la vérité de ta sexualité, mais tu repousses et repousses ce moment, parce que tu manques de courage. et être dans cette position, d’avoir ce secret dont tu ne veux toujours pas te défaire, ça pose beaucoup de stress sur tes épaules, mais tu t’y es accoutumé. et la journée s’étire tandis que tu poireautes à l’intérieur de ton appartement, à attendre le moment où seunghwa finira par pousser la porte, tenant la promesse qu’il t’a fait de passer te voir lorsqu’il terminera de travailler. impatience qui se fait presque voir jusqu’au moment où il arrive enfin, de l’éclat dans tes yeux qui s’illumine comme un sapin de noël. conversation entamée alors que vous vous trouvez sur le canapé, à parler de tout et de rien. téléphone que tu as complètement oublié, chaque message reste sans réponse, une erreur que tu regretteras bien assez tôt. le temps passant à une vitesse sans que tu ne t’en aperçois, tu écoutes à présent seunghwa. et gisant à moitié sur lui, tu joues distraitement de sa main avec la tienne, doux sourire aux lèvres. regard qui ne le quitte pas, ton éclat de rire se fait entendre lorsqu’il se décide à te chatouiller – probablement parce que tu n’écoutes qu’à moitié –  c’est rarement qu’on te prend par surprise, toi qui est habituellement conscient de ton environnement. mais faut croire que tu as laissé ta garde tomber, parce que tu te trouves dans ton appartement, parce que tu te sens en sécurité, parce que t’es avec lui et que tu ne sens pas le besoin de t’inquièter pour une fois. alors, lorsque la porte qui s’ouvre, tu ne l’entends pas immédiatement, au contraire, ce sont les pas qui se rapproche du salon qui te font soudainement relever les yeux, en t’espacant à peine de ton.. ami... tout juste à temps pour y voir la tête de ta soeur apparaître, au bout de la pièce. boom, boom, boom. tu entends ton coeur cogner contre toi, tandis que la panique s’installe, sans que tu ne puisses trouver un moyen de te sortir de cette situation. tu ne penses pas avant de réagir, certes inutilement. c’est trop tard, même si tu prierais à tous les dieux qui existe, même si tu n’es pas croyant, le mal – selon toi – est fait. sur le coup de la panique, tu le pousses, minzhe. plutôt intensément, tu ne réalises pas ta force, seunghwa se retrouve au sol tandis que tu secoues la main, l’air de dire ‘silence’. main tremblante qui passe dans tes cheveux pour les replacer, d’un geste nerveux, tes prunelles se posent sur hara, qui se rapproche de plus en plus. h- hara. je savais pas que tu allais passer, que tu souffles d'une voix tremblante. tu avais besoin de quelque chose ? j-je peux aider ? ça doit être... ( respire, minzhe. ) important. anxiété qui crépite, te coupe la phrase que tu t'apprêtes à dire. ou peut-être est-ce que tu n'as rien à dire, que rien ne te vient en tête. parce que l'effroi te bloque, tu as l'impression que d'un moment à l'autre, tu tomberas. ( calme toi. ce n'est rien. elle n'a rien vu minzhe. faut t'en convaincre. ) et pourtant, tu as l'impression de t'être précipité dans ta propre tombe, chute libre vers tout ce que tu as voulu éviter. gamin dont la vue se brouille, la poigne ferme sur le divan qui est la seule chose séparant ce dont tu n'as jamais voulu révéler. pas maintenant. pas maintenant. tu n'es pas prêt. quand est-ce que tu seras prêt ? maintenant ou la semaine prochaine, le mois prochain, il n'y aura jamais un moment. dans tous les cas, tu espères qu'elle n'a rien vu, ta soeur. tu veux disparaître, prendre la fuite, le coeur au bord des lèvres, essayant de faire comme si de rien était, alors que c'est le contraire. ( tout. va. bien. )

le correspondant que vous essayez de joindre n'est pa-. la gamine raccrochait en furie, pressant froidement la petite icône rouge sur son écran tactile avant de lever les yeux au ciel. encore. pour la énième fois, l'être qui habitait toutes ses pensées l'ignorait. elle avait laissé d’innombrables appels vocaux, des tas de sms, des dizaines de messages sur les réseaux sociaux qu'ils avaient en commun. mais rien. pas le moindre signe de vie de son petit frère, qu'elle tentait vainement de joindre depuis plusieurs heures désormais. n'avait-il plus de batterie dans son téléphone ? est-ce qu'il allait bien ? avait-elle fait quelque chose de mal ? tant de questions qui la tourmentaient, auxquelles hara n'avait pas de réponse, si bien qu'elle avait décidé de changer tous ses plans, à la dernière minute. grande sœur envahissante. grande sœur trop protectrice. pas de séance peinture à la galerie d'art moderne, la demoiselle s'était décidée à aller sermonner minzhe elle-même, quitte à attendre dans son appartement (qu'il revienne) si ce dernier ne s'y trouvait pas. les mains occupées par deux grands sacs en papier, la cadette avait fait escale à la supérette qui surplombait la rue de l'immeuble où elle s'était engouffrée, pour rapporter à son précieux frère des courses dont il aurait probablement besoin – s'il ne les avait déjà pas faites -.

ascenseur pris, code de la porte effectué, elle s'infiltra entre les murs de la demeure du garçon avec une aisance particulière. sans un bruit, telle une souris voulant se faire discrète. ou un félin attendant le bon moment pour sauter sur sa proie (minzhe, seunghwa). pourtant, qu'elle aurait eu envie de pousser un vif soupir de soulagement, après avoir posé ses courses sur le sol. l'esprit inquisiteur déchantant bien vite lorsqu'elle entendit de subtils bruits, tendant l'oreille. des rires. ou des gémissements. c'était à peine audible mais un sentiment doucement amer prit son cœur en otage lorsqu'elle se dévoila au salon, talons claquant dangereusement sur le sol de l'appartement, pour y découvrir un minzhe mi-pâle, mi-rouge, à glisser sa main dans ses cheveux, dissimulant son embarras éphémère. comme pris au dépourvu. hara avait pu distinguer l'ébauche d'un tableau qu'elle redoutait, un silence assourdissant à mesure qu'elle arrivait sur la scène, la pointe des pieds inconnus vivement disparus derrière le canapé occupé par minzhe, et ce dernier, tentant inutilement de combler la confusion générale. sourcil levé, écoutant avec intérêt les paroles fragiles du plus jeune. au moins il était là. elle s'estimait... heureuse de le voir sain et sauf. alors hara se rapprochait dangereusement, non pas pour aller entrevoir la possibilité que quelqu'un se soit caché d'elle, mais plutôt, pour assaillir minzhe d'une étreinte fraternelle, et lui déposer trois baisers, un sur le front et un sur chaque joue, tendresse apparente, geste familier, habitude initiée par l'aînée et qui durait depuis bien longtemps désormais. hi bao. tu sais, il y a cette révolution formidable des années 70 qui s'appelle le téléphone portable... d'un coin de l’œil, hara retournée à ses sacs en papier,  surveillait les gestes de son petit frère, faisait mine d'être préoccupée par les achats qu'elle venait de faire et pourtant, son esprit était encombré par l'étrange scénario qui s'était possiblement déroulé avant qu'elle n'arrive. non de base, c'était pas important, je voulais juste savoir comment tu allais, mais... je me suis inquiétée quand j'ai vu que tu répondais pas. ne recommence pas. avertissement à l'égard du benjamin, elle ne souhaitait pas qu'il le prenne comme une remontrance, mais hara avait ce besoin nécessaire, cette indispensable curiosité d'entendre minzhe lui dire qu'il était heureux, en forme, ou simplement de lui répondre. constance obligatoire à son bien-être personnel, elle, la grande sœur qui voulait toujours veiller au mieux. elle n'avait que lui et s'était jurée d'en prendre soin. malgré la belle-mère abominable, malgré leurs différences, malgré les difficultés. t'es tout seul ? j'ai ramené tout un tas de choses à cuisiner. elle continuait de décharger tous les aliments, s’accaparant la discussion et le temps de parole initié entre eux. ça fait longtemps qu'on a pas mangé ensemble en plus. ( ne me mens pas minzhe. dis-moi ce qu'il se passe réellement. je te laisse le choix. )

si seulement tu aurais pensé, rien qu'un instant, minzhe. si seulement tu aurais vérifié ton téléphone, tu aurais pu prévoir ce qui se passe à l'instant même. tu imagine, un moment, que ça soit le cas : tu aurais pu lui répondre, lui dire que t'es occupé, sans lui en dire plus. ( parce que tu déteste mentir à ta soeur, minzhe. c'est la seule qui connaît presque tout de toi. ) ou seunghwa aurait pu partir ( à temps ) parce qu'il sait que tu n'es pas prêt à assumer ? à toi-même ou aux autres ce que tu es. que ça soit la peur qu'on te juge ou la peur de décevoir, tu ne parviens pas à te convaincre que ça va aller, si tu en fais part à quelqu'un, même ta soeur. toi-même, minzhe, tu ne sais toujours pas quoi en penser. ce n'est pas comme si c'est la première fois que tu vas à l'encontre de ce que ta mère te dit, ce qu'elle t'a fait croire depuis que t'es tout petit. il ne faut que penser à l'italie, mais tu n'es plus en italie, c'est si différent que tu as perdu toute confidence que tu as pu accumulé durant ce moment. tu doute, malgré toi, te pose des questions, de ses paroles dont ta mère t'a endoctriné depuis ta naissance, te dit que parfois, peut-être que ça serait plus facile de te plier à ce qu'elle te demande, d'accepter son idée, de la laisser contrôler ta vie. puis, tu retourne à cet instant, où tu es heureux, avec lui. ces moments de bonheur que tu ne veux jamais laisser aller, que tu as peur de perdre et ça te pousse à repousser la demande de ta mère, parce que tu ne veux pas perdre ce que tu as. et ça te ramène à ce moment où ta soeur s'infiltre à l'intérieur de ton appartement, t'emprisonnant dans tes propres secrets, te forçant limite à avouer tout haut ce que tu caches depuis beaucoup trop longtemps. elle se rapproche, chaque pas faisant monter d'un cran ta nervosité qui est déjà au plus haut niveau. pour être franc, tu voudrais que le temps s'arrête, que tu puisses avoir ne serait-ce que quelques minutes pour reprendre ton souffle, parce que tu as cette impression de manquer d'air. tu dois penser à quelque chose, trouver une solution avant de te désintégrer sur place. si tu as l'habitude de contenir ce que tu penses, tes émotions, tu y arrive à peine avec la situation que tu as sur les bras. c'est coutume pour hara, l'étreinte, pourtant, tu aurais tout fait pour qu'elle oublie, aujourd'hui, parce que cette proximité est de trop pour toi, tu attends à chaque seconde qu'elle y glisse quelque chose pour te faire comprendre qu'elle sait, qu'elle l'a vu, mais rien. mon téléphone, que tu souffles en hochant la tête, le regard suivant ses moindres pas. c'est une évidence, sur le coup. tu te sens con, tu aurais dû le prévoir, tu connais pourtant hara. ça doit faire des heures que tu as complètement ignoré cet objet, les notifications devenues silencieuses, du moment où seunghwa est arrivé à l'appartement. j'ai… les notifications fermées. les regrets sont instantanés, le regard quittant ta soeur rien qu'une seconde, le temps d'étirer ton bras vers la table basse devant toi ( un coup d'oeil inquiet sur seunghwa, sans oser le regarder dans les yeux ) pour y prendre ton portable. ça te frappe à ce moment, t'es un imbécile, minzhe. tu vois les appels manqués, les messages textes, les notifications sur instagram et même sur un application que tu n'as pas utilisé depuis des mois. les prunelles se relèvent sur hara, l'estomac se retournant à son avertissement. tu hoches la tête, souffle un désolé, je voulais pas t'inquiéter et laisse tomber ton téléphone sur le divan sur lequel tu n'as toujours pas bouger. ( elle sait ) quelque chose te dit qu'elle sait. elle est trop… calme. tu as l'habitude de trop penser jusqu'au point où tu pense voir, comprendre quelque chose qui n'est pas réel, mais pas cette fois-ci, minzhe. ton pouls tambourine contre ta tempe, les mains sont moites, elles tremblent, tu te trouve dans une situation impossible et tu as beau chercher, tu n'arrive pas à trouver une façon de te sauver, de t'empêcher de révéler la présence de seunghwa. tu as rendu la situation encore pire, si seulement tu n'aurais pas agit impulsivement, si seulement tu n'aurais pas poussé ton meilleur ami (?) hors de sa vue, peut-être que tu aurais pu trouver une excuse. désormais, tu es là, sans possibilité de te sortir de tes conneries et ton coeur s'enfonce alors qu'elle te questionne. j-je.. j'ai pas… impossible de sortir une phrase cohérente, tu n'arrives qu'à bégayer, gamin qui cherche une solution sans arriver à une conclusion autre que de mentir pour gagner quelques minutes ( secondes ? ) ou de dire la vérité. non, que tu murmures enfin, les mains serrant ton téléphone pour les empêcher de trembler, de le montrer. tu inspires avant de continuer, sans arriver à poser ton regard sur ta soeur. il y a.. j'ai.. y'a seunghwa qui est là, tu veux te recroqueviller sur toi-même, toi et ce sentiment de culpabilité te frappant en plein dans le ventre. tu as passé ta vie à craindre ce moment et maintenant que tu t'y trouves, ça prouve tout ce que tu as pu redouter. il est... il... tu n'arrives pas à terminer ta phrase, ton coeur s'éclatant que trop contre ton torse, tu arrêtes de parler, oublie momentanément de lui répondre. ce n'est plus important. et tu n'as pas d'appétit. tu sais très bien qu'hara n'apprécie pas seunghwa. tu sais très bien que seunghwa peut avoir un attitude et les deux ne vont pas bien s'entendre. tu sais, t'en es certain, qu'hara doute de quelque chose. tu sais ( trop ) mais tu ne peux t'échapper de ton sort, minzhe.